mardi 10 décembre 2024
Economie

L’Afrique de l’ouest prépare sa monnaie commune : L’« ECO »

Le franc CFA pourrait céder la place à une nouvelle monnaie qui circulera dans 15 États d’Afrique de l’ouest. L’« eco » se veut une devise pleinement africaine.

La nouvelle monnaie d’Afrique de l’ouest a déjà un nom : l’« eco ». C’est celui qui a été choisi par les dirigeants de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest, la Cedeao. Réunis samedi 29 juin à Abuja, au Nigeria, les chefs d’État et de gouvernement ont adopté une feuille de route vers cette monnaie commune. Selon ce plan, l’eco pourrait voir le jour dès 2020 dans 15 États d’Afrique de l’ouest. Or, huit d’entre eux ont déjà une monnaie commune : le franc CFA.

Ces huit pays pourraient donc abandonner le CFA au profit du nouvel eco. En dehors de ces pays, le franc CFA est également la monnaie de six États d’Afrique centrale et des Comores. Ces derniers n’ont pas vocation à rejoindre l’eco.

Faire converger les économies de 15 pays

Créée en 1975, la Cedeao rassemble toute l’Afrique de l’ouest, soit des pays francophones comme le Sénégal ou la Côte d’Ivoire, mais aussi des États anglophones, comme le Ghana ou le Nigeria. Cette organisation a pour but de promouvoir la coopération, sur le modèle de l’Union européenne. Les 15 pays membres travaillent depuis longtemps sur une Union monétaire. Ce projet est désormais bien avancé, mais le plus difficile reste encore à faire.

Le lancement de l’eco va obliger, en effet, à faire converger l’ensemble des économies de la zone. Des critères de convergence sont inscrits dans la feuille de route. Les pays membres ne doivent pas avoir un déficit supérieur à 3 % du PIB, une dette supérieure à 70 % du PIB ; une inflation supérieure à 10 %… Or aucun des pays membres n’est dans les clous.

De plus, la Cedeao doit compter avec un pays qui pèse bien plus que tous les autres : le Nigeria. Son PIB représente à lui seul les deux tiers de celui de la zone. « Qu’une crise survienne au Nigeria, par exemple à cause d’une baisse des revenus du pétrole, et c’est l’ensemble des pays membres qui seront entraînés par le fond, même s’ils ont été parfaitement vertueux… », relève un banquier qui connaît bien la région.

Le franc CFA souffre d’être un vestige colonial

L’eco est conçu pour être une monnaie flottante. Au contraire, le franc CFA bénéficie d’une parité fixe par rapport à l’euro (1 € vaut 655 CFA). Les pays d’Afrique de l’ouest doivent déposer la moitié de leurs réserves en devises auprès de la Banque de France, qui en retour assure la convertibilité illimitée du franc CFA en euros.

Pour les pays ouest-africains, le passage à l’eco représenterait une forme de saut dans le vide. Ils pourraient subir une flambée des prix des produits importés, si l’eco n’est pas stable.

Toutefois, le projet répond aussi à une aspiration importante dans les pays concernés. Le franc CFA est contesté par une partie de l’opinion africaine. Il est vu comme un vestige de l’époque coloniale. « La société civile s’empare de plus en plus de ces questions, autrefois jugées techniques, relève Gilles Dufrénot, chercheur de l’université d’Aix-Marseille et associé au Cepii. Les populations en parlent beaucoup. »

Le Maroc candidat à la Cédéao

Côté français, on se refuse à commenter le projet de création de l’eco. Bercy se dit ouvert à des évolutions du système, mais considère que « l’initiative doit en être prise par les dirigeants africains ».

L’eco aurait un autre intérêt. Il pourrait contribuer à une plus grande intégration des pays de la zone, en parallèle du développement du marché commun panafricain qui est également sur les rails. Pour l’heure, les 15 pays de la Cedeao coopèrent peu. Leurs échanges représentent seulement 10 % de leur commerce extérieur, les travailleurs se déplacent peu d’un pays à l’autre et l’industrie de chacun est peu spécialisée.

Un pays voit bien son avantage. C’est le Maroc qui a demandé officiellement à rejoindre la Cedeao en 2017. Alors que le royaume accueille de grosses usines automobiles et possède des banques qui étendent leur réseau en Afrique de l’ouest, il a tout intérêt à rejoindre un grand marché et une monnaie commune.

Mais de l’avis de tous les observateurs, la date de 2020 pour lancer l’eco apparaît irréaliste. Cette monnaie, si elle existe un jour, ne devrait pas naître avant plusieurs années.

Source : La Croix
Alain Guillemoles (avec Romain Subtil)

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