Pourquoi nous parlions de la Dette publique du Sénégal ? Chronique d’un appel anticipé.
Il y a cinq mois, je publiais une contribution sur Jotna News [1] suite aux propos tenus par le chef de l’Etat contre ceux qui tentaient de tirer sur la sonnette d’alarme d’un risque de surendettement du Sénégal. Plutôt que de les prendre au sérieux, le Président de la République les avait traite de tous les noms d’oiseaux.
Aujourd’hui, c’est le Président Macky Sall himself qui monte au créneau pour demander l’annulation de la dette publique (bilatérale et multilatérale) assortie d’un plan de rééchelonnement de la dette commerciale, afin de permettre aux pays africains de faire face à la crise du Covid-19. Nous avons vu cet appel venir pour le cas du Sénégal. Le coronavirus n’a fait qu’accélérer la cadence d’une crise qui allait se manifester tôt ou tard.
Dans notre contribution, nous anticipions une restructuration de la dette publique du Sénégal, composée à plus de 80% de dette extérieure, si des corrections n’étaient pas apportées aux stratégies d’endettement et de financement des dépenses publiques. Nous prônions l’optimisation des autres leviers de financement avant le recours à l’endettement.
Cependant, nous saluons l’appel du Président car, dans la situation actuelle, une annulation de la dette atténuera les effets négatifs de la lutte contre le coronavirus sur nos finances publiques. En effet, un pays qui consacre plus du tiers de ses recettes fiscales au service de la dette aura d’énormes difficultés à faire face à ses obligations financières, d’autant plus que ses recettes fiscales seront réduites dû au ralentissement de l’activité économique pendant ce temps de crise.
Je trouve regrettable que la requête du Président n’ait pu trouver un écho favorable auprès de nos partenaires bilatéraux et multilatéraux. Ces derniers ayant plutôt préféré une suspension du service de la dette pour les pays pauvres, du 1er Mai jusqu’à la fin de l’année 2020. Il est également incompréhensible que le Sénégal ne figure pas sur la liste des pays bénéficiaires d’un allègement de la dette du FMI. On espère qu’il y aura une deuxième vague! Pour le moment, notre pays se contentera des opportunités d’aides et de prêts offertes par le Fond à travers les deux facilités mises en place (Instrument de Financement Rapide et Facilite de Crédit Rapide). Le cas de la dette commerciale sera encore plus compliqué et probablement plus couteux pour l’Etat car les créanciers privés exigeront une contrepartie (plus d’intérêts, commissions, etc.) en échange d’un moratoire sur le service de la dette.
En Espérant que les conventions, avenants, contrats, etc. signés pendant cette période de crise seront dans l’intérêt du peuple Sénégalais, victime d’une politique d’austérité juste avant la crise du Covid-19, nous rappelons au président de la République la nécessité mener des réformes structurantes pour assurer un meilleur avenir aux générations futures. Ces réformes doivent être adaptées à nos réalités. Lors du panel des cadres de l’APR sur le PSE le 16 Novembre 2019, le président avait cité en exemple les ratios d’endettement de certains pays occidentaux, qui, dit-il, peuvent aller jusqu’à 150% du PIB. L’on se rend compte en cette période de crise sanitaire, mais aussi de crise économique, que ces pays disposent de leviers monétaire et fiscal beaucoup plus importants que les nôtres.
On est tous témoin des hausses massives des rachats de titres et des baisses drastiques de taux d’intérêt des banques centrales ainsi que les plans de riposte extraordinaires des gouvernements américains et européens. D’où la nécessité d’un appel à une réforme de notre système monétaire, d’une rationalisation et d’une meilleure gouvernance de nos ressources publiques. Qui pouvait anticiper que cet appel à l’annulation de la dette serait fait quinze ans après l’initiative sur l’allègement de la dette multilatérale (IADM) ?
Mahdy Mbengue
Banquier – Spécialiste en évaluation des risques de crédit des produits financiers dérivés
Membre de Pastef New York/U.S.A
Bravo cher camarade pour éclaircissements concernant la question de la dette des pays pauvres. Les dirigeants devront encore plus être vigilants sur l’annulation de la dette et exiger une compensation via le mécanisme des pandemic bonds.
Merci pour cette contribution nourrie.
Merci camarade Pape Ndiame