jeudi 25 avril 2024
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Sénégal : un gouvernement inexistant face à une révolte populaire

Le Sénégal vie une situation douloureuse en ces moments que ces mots sont écrits. Le peuple subit une répression sanglante de la part des forces de l’ordre. Nos dirigeants ont voulu étouffer les émeutes, les manifestations…. Mais, grâce à la puissance des réseaux sociaux et la détermination des citoyens éveillés, ces exactions sont connues dans le monde entier. Un état autoritaire est démasqué. Le monde est témoin que la démocratie sénégalaise est malmenée.

Tout démarre avec une plainte évoquant un viol impliquant le leader incontesté de l’opposition sénégalaise Ousmane SONKO. Dès lors, est engagée une procédure de levée d’immunité de cet élu de la république. Un constat sur l’empressement extraordinaire du système judiciaire dans cette affaire a mis en exergue des vices de procédures successifs. Ceci a eu pour effet de mettre un parfum de complot à l’encontre de la personne d’Ousmane SONKO. Jamais une affaire n’a été suivi d’aussi près par les citoyens.

Ce dernier avait averti, qu’en cas de non-respect des règles régissant le pouvoir législatif, il dérogerait à la convocation du juge. Cependant, le Sénégal ayant la particularité d’être un pays de médiation, valeur qui a longtemps contribué à sa stabilité, plusieurs personnalités (médiatiques, politiques, religieuses…) ont conseillé à Ousmane SONKO de se présenter à la convocation du juge. Dans l’inconscient collectif, c’était le moment propice pour éviter un embrasement de la société.

L’accusé, consciencieux et soucieux de la préservation de notre stabilité nationale, accepte les médiations et décide ainsi de répondre à la convocation. Ce jour venu, une gigantesque foule se joint au cortège du député afin de le soutenir ; l’immense majorité des citoyens présents est constituée de jeunes.

Mercredi 3 Mars 2021

Le cheminement vers le palais de justice fut tumultueux. L’itinéraire choisi par Ousmane SONKO fut bloqué par les forces de l’ordre. Ces derniers lui exigent de changer de trajet et de suivre leurs consignes. Le jeune opposant, serein et confiant, leur rétorque qu’en sa qualité de citoyen libre, il a le plein droit de choisir son parcours pour répondre à une convocation judiciaire. Il s’en est suivi des tensions entre les forces de l’ordre et la foule formant un bouclier humain. Le leader de l’opposition a été extirpé de sa voiture pour ensuite être arrêté pour le motif de  » trouble à l’ordre public ».

Cette arrestation, sous cette ambiance électrique, fut l’étincelle qui a embrasé le pays de la « téranga : accueil ». Un vent de soulèvement s’est propagé de façon instantanée dans tout le pays. Des manifestations se sont déclenchées un peu partout. Les forces de l’ordre ont immédiatement entamé, sous les consignes de l’exécutif, une répression violente envers sa propre population.
Le pays s’est retrouvé en ébullition avec les médias et les réseaux sociaux relayant en direct la situation. En une demi-journée de médiatisation de la situation, le CNRA (Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel) lance une mise en garde contre des médias pour la diffusion de la situation tendue du Sénégal car selon eux, ces images incitent à l’insurrection civile. La liberté d’informer est menacée !

Des scènes de confrontations, de débordements, de pillages de cette ampleur n’ont jamais été constatées dans l’histoire de ce petit pays de 16 millions d’habitants. La situation dépasse la personne d’Ousmane SONKO. Les Sénégalais de tout bord sont sortis. Il n’y a plus d’affaire ! Un combat pour la récupération de notre démocratie est né.
Le peuple sénégalais a subi depuis des décennies une politique favorisant les inégalités, l’injustice, la corruption, le bradage de nos ressources, le délaissement de la jeunesse… La population a atteint un niveau de désespoir inouï sur ces dernières années. La crise sanitaire a été un élément amplificateur de la souffrance des citoyens. La limite a été atteinte avec l’arrestation du leader de l’opposition : le Sénégal est sur un point de non-retour.





Jeudi 04 mars 2021

Le peuple plus que déterminé à reprendre la main sur son Sénégal, décide de ressortir dans les rues en martelant le slogan « liberté – justice – démocratie ». Les forces de l’ordre continuent la répression engagée envers le peuple. Le pays vient d’enregistrer son premier martyr : un jeune de 20 ans, manifestant de manière pacifique, est abattu par les forces de l’ordre.
Ce premier meurtre, commis sous les ordres de l’exécutif, enclenche un sentiment d’insécurité, de manque de considération pour la vie humaine dans le pays. Ne sachant que faire, une partie de la population fatiguée, assoiffée, affamée et frustrée s’est ruée vers des enseignes à effigie française (Auchan, Total, Eiffage…). Ces agissements tirent leur origine d’un sentiment généralisé que le président Macky SALL est plus préoccupé par les intérêts de la France que ceux de son propre pays. S’en sont suivis des scènes déplorables de pillages et de casses. Le pays est en feu, le Sénégal pleure.

Dans la répression exercée par les forces de l’ordre, les braves citoyens découvrent avec stupeur la présence de nervis. Des gros bras, équipés de voitures du ministère de l’éducation nationale avec des armes non conventionnelles, matent les manifestants. La surprise est effroyable ! Ces nervis avancent avec confiance et fierté à côté de la police.

Le CNRA met ses menaces à exécution : les médias couvrant les événements sont bloqués. Le débit internet est limité par le gouvernement. Afin d’externaliser la situation, l’installation de VPN est nécessaire. La communication est restreinte entre le Sénégal et l’extérieur. Une régression du droit à l’information est manifeste.

Vendredi 05 mars 2021

Le juge décide d’auditionner dans son bureau Ousmane SONKO seul sans la présence de ses avocats. De plus, des gendarmes bloquent l’accès de ces derniers à la pièce où est interrogé leur client, ce qui est une violation de ses droits. Les avocats, relayent en direct la situation et évoquent les vices de forme commis par le juge.

Ce non-respect des droits de l’opposant a eu pour effet d’amplifier la cadence des protestations. Les manifestants sont de plus en plus déterminés. Les nervis briment le petit peuple. Les forces de l’ordre tirent à balle réelle sur la population. Le Sénégal perd ses enfants.

Dans cette situation, des interrogations s’imposent : où se trouve le président des Sénégalais ? Pourquoi ne s’adresse-t-il pas à son peuple ? Que signifie ce mutisme ?

Dans ce lourd silence, le ministre de l’intérieur est mandaté par ce dernier pour qu’il s’adresse au peuple.

Samedi 06 mars 2021

Le pays est toujours à feu et à sang. La fatigue se lit sur les visages. Mais la soif de justice, de liberté, de démocratie anime les manifestants et les pousse à maintenir le cap. Les sénégalais se battent tout en gardant en tête que la déclaration imminente du ministre pourrait apaiser la situation. Une baisse de tension est palpable ce soir-là.

Les citoyens sont devant leurs écrans pour suivre la déclaration du ministre de l’intérieur Antoine Félix DIOME. Ce dernier apparait devant les sénégalais avec un petit sourire avant d’adopter une posture grave. Il entame son discours en présentant ses condoléances aux familles des victimes. Il enchaine sur des accusations avec un langage effrayant qui choque les sénégalais. Le vocabulaire utilisé s’articule autour de ces mots : terrorisme, gourou, insurrection, forces occultes… En résumé le gouvernement, par le biais de son ministre de l’intérieur, fait une corrélation entre le peuple sénégalais et les terroristes.

Le discours du ministre a laissé un goût amer cette nuit-là. Le fossé se creuse de plus en plus entre le peuple et le gouvernement. D’autant plus qu’un autre ministre adopte le même discours sur un média étranger. Que se passe-t-il avec ce gouvernement ? Ce discours est-il destiné aux sénégalais ? Cette dernière question est d’autant plus pertinente du fait de la différence flagrante entre le discours tenu en langue française et celui en langue nationale (Wolof).

La population sénégalaise, qu’a-t-elle fait pour mériter un tel traitement ? Le président élu démocratiquement a disparu des radars. Quatre jours de protestations intensives avec des morts se sont écoulés sans réaction de ce gouvernant. Est-ce un abandon ? Quel est le sens d’un dirigeant ? Quelle posture doit adopter un président responsable face à un pays qui brule ? Sur quelle base les sénégalais lui ont fait confiance pour le mettre à la tête de ce pays ?

Le peuple sénégalais ne peut plus supporter un régime qui le dépouille. Un régime qui tue ses enfants. Les épreuves que nous sommes en train de vivre sont très douloureuses. Mais seules les épreuves forgent. Un combat avec détermination qui dépasse nos personnes est en train d’être mené dans le seul but de garantir un avenir meilleur à nos enfants. Ceux qui dirigent ce pays sont prévenus !

Publié le 10/03/2021
Par Mouhamed Ndiaye

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