jeudi 28 mars 2024
Contributions

Pour le triomphe de la révolution démocratique (Par Alla Kane)

Les victoires enregistrées par l’opposition patriotique aux élections communales du 23 Janvier 2022, ont marqué un tournant qualitatif dans la lutte du peuple sénégalais contre le régime néocolonial corrompu.

Ces victoires sont le fruit d’un long processus de maturation d’une résistance multiforme, qui a culminé avec les affrontements de Mars 2021 qui ont vu le peuple sénégalais uni dans un combat frontal contre un régime oppresseur.

En mettant le régime néocolonial sur la défensive, ces deux évènements de portée historique ont brisé son mythe d’invincibilité et ouvert de nouvelles perspectives de libération inimaginables il y a quelques années.

Par ailleurs, de par la multiplication des fronts de lutte, le contexte sous-régional de montée en puissance des forces anti-néocoloniales, crée de nouvelles conditions de solidarité pour une large mobilisation panafricaine.

C’est dire que nous vivons un moment singulier qui exige des forces patriotiques et singulièrement de leur direction, une lecture lucide et courageuse des risques, des opportunités et des responsabilités liés à la présente situation.

Les risques

Le processus de libération né de la lutte opiniâtre du peuple sénégalais représente une menace existentielle pour des groupes nationaux et étrangers coalisées depuis de longues années pour le maintien et la consolidation d’intérêts aux antipodes des aspirations populaires.

La possibilité d’une remise en question de ces intérêts poussera naturellement leurs bénéficiaires à une résistance acharnée et multiforme.

Au plan interne, il est à prévoir que les lobbies ayant assis leur puissance sur le contrôle du pouvoir d’Etat, la fortune frauduleusement acquise et la manipulation des processus électoraux, ne regardent pas sans réaction la remise en cause de ces avantages colossaux.

Il faudrait aussi s’attendre à ce que la France néocoloniale, qui a bâti sa puissance économique et politique sur la scène internationale sur le contrôle et l’exploitation éhontés de l’Afrique, n’assiste pas passivement à cette dégringolade que constitue la perte de son empire et qui la ramènerait au rang d’un pays de second ordre.

Son agitation et ses diverses interventions sur la scène africaine sous le couvert d’une « communauté internationale » sans visage, préfigurent une réaction plus insidieuse et musclée dans la perspective d’une libération du Sénégal, pays-clé et porte-étendard de son dispositif néocolonial.

Cette hypothèse de tous les dangers devrait être sérieusement prise en compte dans la réflexion du Mouvement Patriotique surtout quand on l’envisage sous l’angle de la possibilité d’instrumentalisation du terrorisme à des fins de politique intérieure et étrangère, pour agir avec des procédés que la loi et la morale reprouvent.

Le machiavélisme des dirigeants français qui, pour se donner un alibi justifiant une attaque contre le régime de Gbagbo, n’ont pas hésité à instrumentaliser le bombardement de leur propre caserne de Bouaké (Côte d’Ivoire) le 06 Novembre 2004, est une illustration du cynisme de cet Etat crapuleux. Ce crime non-élucidé et dont les commanditaires étaient tapis au sommet de l’Etat et qui a occasionné la mort des neuf (09) soldats français, donne une idée de la détermination d’un pouvoir impérialiste qui ne recule devant aucune monstruosité pour préserver son empire.

A cet égard la situation intérieure (alertes fréquentes liées au terrorisme, violence résiduelle en Casamance), offre au pouvoir et à ses maitres, des alibis pour déstabiliser la montée en puissance du Mouvement Patriotique et retarder sa victoire inéluctable.

De surcroit, ce contexte sous-régional marqué la recrudescence du trafic terrestre et maritime illicite et la volonté de Paris de faire plier le gouvernement de transition du Mali, pays-frère frappé d’un blocus illégal et criminel, peut inspirer aux comploteurs de tous bords, des scenarii-d ’horreur impensables.

Il y a aussi la possibilité pour le pouvoir néocolonial, face à cette perspective de défaite qui se dessine, de recourir, à l’instar des machinations de 2021, à des manipulations de l’administration et de la justice pour faire peser une épée de Damoclès sur les dirigeants du Mouvement Patriotique. Des manœuvres pour le diviser et pour débaucher, corrompre, salir, discréditer ses membres les plus éminents ne sont pas à exclure.

La formation du prochain gouvernement pourrait être le prélude au lancement de quelques appâts et menaces en direction de personnalités ciblées de l’opposition.

Dans cette perspective, il est aussi nécessaire de tenir compte de possibles fissures de la plateforme unitaire du fait d’ambitions personnelles et de velléités de courses solitaires de certains segments opportunistes, voulant profiter de la victoire actuelle comme un tremplin.

Combinées aux actions de sape que ne manqueront pas de lancer les autorités néocoloniales dans le but de diviser le Mouvement, ces velléités peuvent affecter la marche victorieuse en cours.

Ainsi donc les résultats annoncés de ces élections locales feront que la bête blessée mais disposant encore du pouvoir d’Etat et consciente les conséquences gravissimes que la perte de ce pouvoir peut entrainer, usera de tous les ressorts possibles pour se maintenir en liquidant politiquement et si nécessaire physiquement ses adversaires.

Un autre défi d’ordre interne qui se profile après cette victoire, a trait à la question fondamentale de l’orientation anti-néocoloniale du Mouvement Patriotique que tous les alliés ne partageaient pas avant la mise en place de la plateforme unitaire.

En effet au-delà des querelles de personnes et de positionnement, c’est une question qui ne peut rester sous silence dans la perspective des prochaines joutes électorales, déterminantes pour l’avenir du Sénégal.

La question qui se pose est de savoir comment s’entendre avec les anciens du PS et du PDS, pôles d’appui historiques de la Françafrique, sur la nécessité de sortir du système du CFA, la nécessité de dénoncer les accords de défense avec la France et du démantèlement des bases françaises, la nécessité de mettre fin au monopole étranger sur les principaux leviers de l’économie et celle des autres réformes en profondeur de la gouvernance. Ce questionnement semble légitime compte tenu de la prééminence de « l’esprit de subordination vis-à-vis de la France » dans la pensée politique et la longue pratique gouvernementale de ces partis.

Face à ces possibles écueils, il importe de relayer à l’interne et d’amplifier dès à présent le large débat d’orientation anti-néocoloniale en cours au niveau continental et dans la Diaspora.

Une telle amplification donnera assez d’écho au sein des militants des partis alliés et amènera à réfléchir sur cette exigence incontournable.

Une pression populaire et médiatique pour faire prévaloir l’option d’une lutte résolue contre le néocolonialisme français comme axe d’effort principal guidant le Mouvement actuel est en effet nécessaire.

Les opportunités

C’est un fait qu’en dépit de toutes les entraves mises en place pour limiter les nombres de votants et bâillonner l’expression démocratique des citoyens, le pouvoir n’a pas réussi à éviter une débâcle sortie des urnes.

C’est le lieu aussi de saluer la maturité de l’électorat qui a su résister à un effort sans précèdent d’achat de conscience ainsi que l’esprit de combat, d’abnégation et d’organisation de la direction du Mouvement Patriotique qui été en mesure de surmonter les divisions en mettant en place et en mobilisant une large plateforme unitaire.

Même si les résultats définitifs n’ont toujours pas été proclamés, il est à prévoir que le Mouvement Patriotique aura à gérer de nombreuses et importantes municipalités dont la capitale.

Cette perspective heureuse qui devrait se traduire par une prise de responsabilités sans précèdent dans la gouvernance locale, devrait servir de prélude et montrer dès le départ les signes annonciateurs d’une rupture d’avec la gestion néocoloniale, clientéliste et inefficace parce que corrompue.

Cette indispensable rupture attendue par la population devrait donner du crédit aux promesses électorales du Mouvement Patriotique et servir de tremplin pour de plus grandes victoires aux prochaines joutes électorales.

En fait les élus du Mouvement Patriotique auront à leur disposition un pouvoir légal, un espace territorial, quelques moyens matériels ainsi que des infrastructures et des ressources leur permettant de mettre en application quelques-unes des aspirations des électeurs. Ils pourront faire rayonner les idées du Mouvement et développer, dans le cadre de la mission que leur a confiée le peuple, son action positive en direction des administrés.

Ce sont là des acquis majeurs et sans précèdent dont il convient de tirer profit dans cette phase de lutte contre le pouvoir néocolonial.

Il devrait s’agir de mettre en œuvre, dans le cadre « des compétences transférées » des politiques de gouvernance locale novatrices dans les domaines très importants de la santé, de l’éducation, de l’environnement, de l’hygiène, de la salubrité, de la sécurité, de la tranquillité et de l’ordre publiques.

Avec humilité, esprit d’écoute et détermination, il s’agirait de lutter de concert avec tous les segments de la population, contre la corruption institutionnalisée, le désordre qui est ancré dans les mœurs ainsi que le laxisme dans les domaines de la sécurité, de l’habitat, de la sécurité routière, de la salubrité des lieux publiques comme les marchés souvent en proie à des incendies.

Dans cet effort de gouvernance efficace, les nouvelles autorités auront la latitude de faire appel à différents démembrements de l’Etat dont les forces de sécurité sensées être impartiales.

Changer le visage repoussant des villes en les débarrassant des épaves, en libérant les trottoirs, en curant les canaux à ciel ouvert, en construisant des toilettes publiques entretenues, en plantant des arbres, en créant des espaces verts, en faisant pression sur l’Etat pour qu’il équipe les rues de panneaux et de feux de signalisation toujours absents de ses programmes d’infrastructures, devrait entre autres donner de la visibilité à la nouvelle gouvernance.

Mobiliser sur une base volontaire, organisée, régulière et durable la population et singulièrement la jeunesse pour le ramassage des ordures qui jonchent les rues et leur désensablement ainsi que le désengorgement et la lutte contre les parasites nichés dans les canaux fermés ou à ciel ouvert, serait entre autres un moyen de maintien du contact avec les administrés.

De telles actions de rupture avec la passivité et de démarcation par rapport aux comportements bureaucratiques du passé, entrent aussi dans le cadre d’une pédagogie tendant à ancrer le culte de la salubrité publique négligée par le pouvoir.

Il est en fait essentiel d’inscrire les actions préconisées dans le cadre de la lutte que mène le Mouvement Patriotique qui doit garder à l’esprit que l’Etat néocolonial qui « le marque à la culotte », pourrait tenter de limiter ses possibilités d’action en retardant, en restreignant ou en bloquant la mise en place des ressources que la loi confère aux municipalités.

Dans cette « guerre de positions » qui serait le signe d’une volonté manifeste d’entraver la réussite des nouvelles politiques de rupture et dont a été victime un ancien maire de Dakar, il est nécessaire que les nouvelles municipalités fassent preuve de fermeté et d’imagination quant aux alternatives que représentent la mobilisation populaire, l’intercommunalité et la mise à contribution de la Diaspora et de la coopération décentralisée.

Cette ouverture sur le monde serait, grâce à la recherche de procédés innovants appuyée par une refonte de l’administration souvent pléthorique des mairies, de nature à sortir les municipalités des sentiers battus de la corruption politicienne.

Apprendre par le biais de la Diaspora de l’expérience des municipalités étrangères qui font de la ville un espace ordonné, propre, convivial et économiquement dynamique et attractif, serait un moyen de démarcation devant refléter un nécessaire contraste avec les municipalités administrées par les partis inféodés au régime néocolonial.

La politique de rupture prônée par le Mouvement Patriotique doit justement mettre en exergue cette différence visible entre les municipalités administrées par le Mouvement Patriotique et celles sous la coupe des partisans du régime néocolonial.

Dans cette perspective, un accent particulier devrait être mis sur la prévention des risques et la sécurisation des administrés, de leurs biens et de leurs activités.  Un effort sur la bonne administration du foncier, l’assainissement, la lutte contre les inondations, la mise aux normes et l’extension du réseau des bouches d’incendie et la sécurité des points d’eau et des plages, serait à suggérer.

Dans le cadre de la lutte contre l’oisivisite, mère de tous les vices, les nouvelles autorités devraient engager une politique hardie de promotion du sport et de la culture nationale par l’encouragement à la constitution de chorale, de troupes de théâtres, de bibliothèques et de club de sport et de loisirs.

Promouvoir une politique d’encadrement de la jeunesse et de soutien aux artisans et aux groupements de femmes serait une voie à explorer pour redonner l’espoir au peuple face à la défaillance d’un l’Etat néocolonial invisible sur le champ social.

Pour harmoniser au niveau national les nouvelles politiques de rupture préconisées, il est suggéré que les équipes municipales tiennent, dès le début du mandat, des assises en présence d’experts en gestion communale. Cette rencontre de mise à niveau serait le lieu d’échanges et de formation pour les élus.

Elle serait aussi l’occasion de s’entendre sur les nouvelles normes administratives y compris les sanctions applicables.

Un document publié à l’issue des assises pourrait servir de guide et donner des consignes générales assez souples pour laisser une marge d’initiative spécifique aux différentes localités.

En conclusion, il faudrait souligner que les mesures suggérées qui ne sont pas exhaustives, tendent à initier une nouvelle politique destinée à vaincre le fatalisme et la passivité en redonnant l’initiative au peuple pour qu’il soit à la fois l’agent et le bénéficiaire de la nouvelle orientation de rupture enclenchée dans le cadre de la Révolution démocratique en cours.

Il s’agit en tout premier lieu d’honorer le contrat de confiance liant les élus et leurs mandants et de donner une image positive de la « nouvelle classe politique » en rupture totale avec les pratiques décriées du passé.

Le peuple ainsi mobilisé dans ses diverses composantes, sera le rempart contre les opportunismes qui ne manqueront pas d’apparaitre et le moteur qui conduira le Mouvement Patriotique à cette victoire tant espérée, couronnant la lutte multiséculaire du peuple sénégalais et contribuant à la libération et l’unité de l’Afrique.

DAKAR, LE 03 FEVRIER 2022

POUR MAGUM WAXOON NAAKO

ALLA KANE

 

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