Lettre d’adieu à Kene Ndoye

 

Championne, te voilà enfin libre.
Dieu grand maître des cieux et de la terre a décidé de te rappeler auprès de lui.
La bonne nouvelle c’est que tu ne souffres plus de cette maladie qui te rongeait depuis toutes ces années et avec laquelle tu as vécu dans la plus grande dignité.
Tu n’as eu de cesse de réclamer ton dû, tes arriérés de prime que l’état te devait afin de pouvoir te soigner.

Ta mort fait mal parce qu’elle etait évitable. Tu avais encore ta place parmi tes proches car 45 ans c’est tout de même tôt pour partir.
Il aurait fallu une meilleure prise en charge médicale, peut-être une évacuation à l’étranger pour te sauver la vie. Mais surtout pour te rendre ce que tu as donné à ta patrie.
13 médailles, 13 fois tu as porté haut le drapeau de ce pays mais 13 fois il t’aura trahi.
Dans un pays normal, tu serais soignée pour ensuite venir occuper un poste à la fédération sénégalaise d’athlétisme afin de transmettre aux plus jeunes ton expérience. Tu aurais pu continuer à servir ton pays à travers ce sport que tu aimais tant.
Mais tu as le malheur de ne pas faire partie de l’élite politique qui fait la pluie et le beau temps.
Cette classe politique qui se soigne ainsi que leurs proches à l’étranger avec l’argent du contribuable.

Que valent les mots et les regrets après ton départ sinon pas grand chose.
Il y a de la colère, du dégoût, de l’incompréhension entremêlé à de l’amertume.
Il y a surtout un sentiment d’inachevé et de gâchis quand on sait tout ce que tu aurais encore pu apporter à ta patrie.
Tu as une fois de plus eu la malchance d’être née dans le pays qui laisse mourir ses champions et ses génies dans une indifference quasi générale.

Il y a peu de chance qu’une piste d’athlétisme quelque part dans ce pays soit baptisée en ton nom pour t’honorer ainsi que ton parcours.
Ils trouveront toujours un politique à qui donner le nom d’un stade même si il n’a jamais remporté aucun trophée pour le pays.
Mais il y a une chose qu’ils n’auront jamais, c’est la reconnaissance de la patrie.
Et ça chère Kene Ndoye, tu l’as.
Reconnaissance éternelle pour la championne que tu as été et que son pays a laissé mourir sans lever le petit doigt.

Voyage en paix championne.

Maky Madiba Sylla
Cinéaste sénégalais »