Les courtisaneries politiques de la presse sénégalaise, un coup sacré à la vérité, à la liberté et à la démocratie
À New York, lors d’un banquet, le 25 septembre 1880, le célèbre journaliste John Swinton s’énerve quand on propose de boire un toast à la liberté de la presse :
« Quelle folie, dit-il, que de porter un toast à la Presse indépendante ! Chacun ici présent sait que la presse indépendante n’existe pas(…). Si j’autorisais la publication d’une bonne opinion dans un simple numéro de mon journal, je perdrais mon emploi en moins de 24 heures (…). La fonction d’un journaliste est de détruire la vérité, de mentir radicalement, de pervertir les faits, d’avilir, de ramper aux pieds de Mammon et de se vendre lui-même, de vendre son pays et sa race pour son pain quotidien ou ce qui revient au même, son salaire (…). Nous sommes les outils et les vassaux d’hommes riches ou de détenteurs de pouvoir qui commandent derrière la scène. Nous sommes leurs marionnettes. Ils tirent sur les ficelles et nous dansons. Notre temps, nos talents, nos possibilités et nos vies sont la propriété de ces hommes. »
Plus d’un siècle et demi après qu’il a tenu cette déclaration abracadabrante, et malgré les grandes enjambées que l’humanité a franchies sur le sentier sinueux et semé d’embûches et d’épines de la civilisation, sa véracité ne semble souffrir d’aucun doute, vu le comportement fourbe et mesquin de certains hommes de médias dans le traitement de l’information. En effet, jadis considérés comme les sentinelles de la démocratie, certains journalistes de chez nous se sont travestis en « chiens de garde’ » de l’élite dirigeante, comme l’a dit Serge Halimi du journal « Le monde diplomatique », pour se la couler douce dans les bonnes grâces du pouvoir au détriment de l’opinion publique sur qui ils jettent les voiles de l’aveuglement et de l’ignorance. Une attitude criminelle contre la liberté et la démocratie. « Les chiens de garde » du régime en place, désormais anciennes plumes affûtées de la nation, actuels thuriféraires des errements et échecs politiques de son excellence en sont parfaitement illustratifs.
Voilà une situation qui a poussé Bourdieu à dénoncer une partie de la presse qu’il avait qualifié de « journalisme de marché », rongé par les connivences, les chantages, le panurgisme et la précarité, réduisant ainsi certains praticiens du métier à des « journalistes alimentaires », toujours prêts à renoncer à leur dignité et à se dépouiller de leur honneur pour jouer larbinisme et au plat ventrisme au profit de celui qui détient les manettes et les mallettes.
Et le traitement de l’information dans certaines circonstances de la vie politique et de l’évolution de nos nations, en est une parfaite illustration. En vérité, si l’application du nouveau code de la presse fait couler beaucoup d’encre au sein même de la corporation, telle une querelle de borne fontaine, c’est parce qu’en réalité le ver est dans le fruit.
« Informer juste et vrai », tel est le noble crédo de la presse. Toutefois, la vérité et la justesse de l’information risquent de faire défaut dans le traitement de celle-ci lorsque celui qui en a la charge et la responsabilité n’est doté d’aucune conscience professionnelle, ni drapé du linceul blanc de la probité morale.
Or, le médecin a son serment d’Hyppocrate et le magistrat jure sur l’honneur et devant la Nation, mais le journaliste n’a que sa conscience comme son tribunal où se décrète le communicable, s’il ne veut pas sacrifier la vérité sur l’autel du mensonge.
Par ailleurs, Ignacio Ramonet, ex directeur du journal « Le monde diplomatique » pense que : « dans la nouvelle guerre idéologique, l’information est utilisée comme arme de combat ; et en raison de sa surabondance et de son explosion, elle se trouve littéralement contaminée par toutes sortes de mensonges, polluée par les distorsions, les délations, les calomnies, les déformations, les rumeurs et les manipulations ». En atteste la manipulation médiatique sur les affaires « des 94 milliards » et de « l’audio concernant Sonko-Mansour Faye » que certains sites d’information et maisons de presse en ont fait avec cynisme et sournoiserie.
En outre, avec la prolifération sporadique et vertigineuse des sites d’informations numériques, on confond la rumeur et l’info, en même temps qu’un journaliste et un mercenaire de la plume.
Alors, dans leur ouvrage commun, « La fabrication de l’information », Florence Aubenas et Miguel Benasayag soutiennent que la presse est une industrie de production d’informations et de fabrication de stars. Donc celle qui avait l’honneur d’informer le peuple pour influencer sainement sa décision, pour des raisons politiques et pour le culte sacré que certains vouent à l’argent et les privilèges, risque de patauger souvent dans les eaux troubles du mensonge et de la dénonciation calomnieuse.
Mansour Shamsdine Mbow, Professeur de Lettres et chroniqueur
Pertinente analyse. Le journalisme aujourd’hui s’est complètement fourvoyé pour des raisons alimentaires. Quel dommage !.Heureusement que la presse en ligne via les réseaux sociaux est la pour assurer la relève. Bravo professeur et bon vent.
Entre un audio datant de 2013 dont le contenu malgré que falsifié et le refus de témoignage à l’Ofnac d’une autorité, qu’est ce qui est réellement le plus important pour le citoyen lamda. La presse jouant malicieusement de neutralité a un contentieux avec le Pastef. Et la convocation à l’ofnac. Bien joué la presse. Seulement, les gens ne sont pas dupes.