samedi 27 avril 2024
International

Guerre par procuration

Probable intervention de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) au Niger : Vers une guerre par procuration aux conséquences désastreuses pour le Peuple de l’Afrique de l’Ouest

La CEDEAO est créée en 1975 et compte aujourd’hui 15 États membres de l’Afrique de l’Ouest dont le Niger. Elle est destinée à coordonner les actions des pays d’Afrique de l’Ouest.

 

Le Niger, situé au cœur du Sahel, compte plus de 25 millions d’habitants. L’Uranium et le pétrole constituent ses principales ressources. Il est le 4ème producteur mondial d’uranium, la 6ème plus grande réserve du monde. Paradoxalement, le niveau d’extrême pauvreté touche plus de 40 % de sa population.

 

Le 26 juillet 2023, les officiers de la garde présidentielle décident de renverser le Président Mohamed Bazoum. Quatre jours plus tard, le 30 juillet, la CEDEAO refusant d’accorder toute légitimité aux soi-disant putschistes nigériens, impose de lourdes sanctions au Niger et pose un ultimatum de sept jours au nouveau pouvoir pour rétablir le Président déchu Mohamed Bazoum dans ses fonctions. Au-delà de ce délai, la CEDEAO menace d’utiliser la force par une intervention militaire. Immédiatement, la France, partenaire stratégique du Niger, décide de rapatrier tous ses ressortissants souhaitant quitter le pays avant la fin de l’ultimatum de la CEDEAO. Plusieurs pays ouest africains dont le Sénégal, la Côte d’Ivoire sont prêts à envoyer des soldats dans le cadre de la CEDEAO pour sanctionner le Niger avec son nouvel homme fort : le Général Abdourahmane TCHIANI, chef de la garde présidentielle du Niger.

La question que l’on peut se poser est “Pourquoi la CEDEAO soutenue par la France veut intervenir militairement au Niger pour rétablir le Président Mohamed Bazoum?” Quelles sont les raisons évoquées par la CEDEAO pour intervenir militairement au Niger ?

La CEDEAO semble ne pas évaluer les conséquences désastreuses d’une telle intervention sur les populations frères ni tirer une leçon des guerres récentes, notamment celle en Libye à l’origine de l’explosion du terrorisme dans le Sahel, responsable des centaines de morts au Mali, au Burkina Faso, au Niger et des milliers de personnes déplacées !

 

Pour justifier cette guerre, parce qu’il faut bien la justifier, plusieurs raisons sont évoquées par la CEDEAO et la France : 

  • Le rétablissement d’un président démocratiquement élu ;
  • La prévention contre l’expansion du terrorisme dans toute la région. La France et les Etats-Unis ayant chacun une base militaire au Niger, le départ de ces troupes serait une porte ouverte aux terroristes pour rejoindre le Niger, le Nigeria, etc.
  • Enfin, la lutte contre l’immigration clandestine : beaucoup de migrants vers l’Europe passent par le Niger pour rejoindre l’Afrique du Nord et le gouvernement déchu du Niger était un allié très important.

 

Mais que cache véritablement cette intervention de la CEDEAO au Niger ?

 

On pourrait se poser des questions sur la réelle motivation de quelques chefs d’État de la CEDEAO pour une intervention militaire au Niger sans la demande explicite du peuple souverain nigérien et sans même un vote au Conseil de Sécurité de l’ONU autorisant cette intervention.  Le peuple souverain nigérien n’est-il pas assez mature pour prendre lui-même son destin en main ? Quelques heures avant l’expiration de l’ultimatum fixé par la CEDEAO, des milliers de partisans du coup d’Etat militaire au Niger se sont rassemblés dans un stade de 30 000 places pour manifester leur soutien à leur armée ; 

En réalité, ces chefs d’État de la CEDEAO veulent couper ou arrêter le vent très fort de besoin de souveraineté qui souffle actuellement un peu partout au sein de la CEDEAO. Le peuple africain veut une Afrique Nouvelle. Une nouvelle Afrique dans laquelle,

  • Les citoyens peuvent vivre de leur richesse ;
  • La souveraineté dans des domaines stratégiques devient une priorité ;
  • Les citoyens ont accès à une justice équitable pour tous ;
  • Les citoyens ont accès à un nouveau système éducatif pour former le nouveau citoyen africain ;
  • Les dirigeants respectent leur peuple, sont au service exclusif de leur peuple et ne se comportent pas comme des mendiants ; 
  • Les dirigeants défendent d’abord les intérêts du peuple africain; 
  • Etc.

 

Ces quelques Etats africains de la CEDEAO alliés avec la France qui ne veut surtout pas perdre le Niger pour son Uranium, menacent d’une attaque militaire. 

 

Ainsi, le Nigéria a bloqué toutes les transactions vers le Niger y compris les transactions énergétiques. Il a coupé son alimentation en électricité vers le Niger. Rappelons que 90 % de l’électricité nigérienne est produite par le Nigéria. 

Ce putsch au Niger risque de provoquer une crise énergétique en France si l’approvisionnement en uranium n’est plus assuré par le Niger.  Le Niger fournit à la France l’uranium indispensable aux centrales nucléaires. Pour mettre la pression sur les alliés du Niger, la France quant à elle suspend l’aide au Burkina pour avoir soutenu le Niger, une aide importante de 482 millions d’Euros pour asphyxier le Burkina. 

 

Cette même CEDEAO qui est absente pour lutter contre le terrorisme va, avec diligence, frapper un peuple décidé à mettre fin au régime de son bourreau. Un peuple héroïque qui a décidé de stopper un régime corrompu soumis à l’impérialisme : le régime de Mohamed Bassoum. En effet, la démocratie bananière dans certains pays de la CEDEAO ne permet pas une élection transparente et inclusive capable d’élire les dirigeants conscients des enjeux. Pour ces peuples, l’armée représente le dernier recours. C’est ce qui s’est passé au Mali, en Guinée, au Burkina Faso.

 

La seconde raison : manquer d’intervenir au Niger donnerait des idées à des militaires d’autres pays, comme le Sénégal par exemple où la démocratie, les libertés sont menacées avec la clochardisation de certains juges et magistrats à la solde d’un couple présidentiel et d’un régime mafieux et criminel. 

 

La troisième raison, peut-être la principale, c’est que ne pas intervenir implique une perte d’influence de la France dans la sous-région, avec un allié stratégique (le Niger) qui risque de rejoindre le Mali, le Burkina Faso. Ceci peut avoir plusieurs implications : 

  • Fragilisation de la souveraineté énergétique de la France : en effet, le Niger est un fournisseur important de la France en uranium qui alimente les centrales nucléaires. 
  • Fragilisation du FCFA, imprimé par la Banque de France, un levier important d’asservissement des anciennes colonies ! 

 

Depuis plus de 10 ans, l’influence française en Afrique ne cesse de se réduire.  Le désamour du peuple africain envers la France a commencé par le mépris avec le discours humiliant et condescendant de Nicolas Sarkozy à Dakar. Ce fameux discours du jeudi 26 juillet 2007 dans lequel “l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire…” et dont les phrases qui ont suivi résonnent encore tel une obscure litanie dans la tête des africains.  

La France d’Emmanuel Macron organise très rapidement le rapatriement de ses ressortissants, ce qui constitue un signal implicite sur son accord pour une intervention militaire au Niger, parrainée par ses trois mercenaires : Macky Sall (Sénégal), Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire) et Bola Tinubu (Nigéria). Une fois les Français mis en sécurité, la guerre peut commencer : tant pis pour le peuple nigérien et les populations de la sous-région qui seront les seules victimes de cette guerre. La protection et la préservation de ses intérêts reste la principale préoccupation de la France.

Une intervention militaire au Niger serait appréciée de la France parce qu’elle accentuerait également les divisions au sein de la CEDEAO : diviser pour mieux régner ou pour continuer le pillage des anciennes colonies ! 

 

La solidarité entre les États de la CEDEAO qui devait être le pilier central est remplacée par des sanctions, des guerres par procuration. La CEDEAO vit toujours à l’ère de la colonisation. Les colons s’allient avec des royaumes voisins pour s’attaquer à un autre royaume. Ces chefs d’États africains, mercenaires des pays Occidentaux, ont oublié que ces pays n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts à défendre ou à protéger! 

 

La solidarité serait la bienvenue pour lutter contre le terrorisme dans la sous-region ou en mettant en place un fonds alimenté par des taxes destiné à venir en aide à un pays en cas de difficultés économiques (sécheresse, pandémie, etc), en mettant en place une vraie politique économique capable de sortir le peuple africain de la misère, pour qu’enfin il retrouve sa dignité, le respect, sa place dans le monde !

 

La Nouvelle Afrique veut de vrais chefs d’État au service de son peuple, une Afrique solidaire de ses autres frères! Il est inconcevable et inexplicable que des présidents africains de l’Ouest soient juste solidaires pour asphyxier un pays frère au lieu de s’entre aider. La cupidité doit s’arrêter maintenant! 

 

Ce coup d’Etat nourrit beaucoup d’espoir au sein de la population nigérienne. Le sentiment anti français est très vif. En réalité, ils sont contre la politique française en Afrique, contre l’Etat français. Le peuple français est un beau peuple qui a des valeurs et qui s’est battu pour la liberté et pour les droits humains. Les africains sont contre cet Etat français qui ne respecte même pas son propre peuple. 

Pour se réconcilier avec le peuple africain, la France n’aura pas d’autres moyens que  de reconnaître et de réparer les injustices commises en Afrique. Notamment en corrigeant le déséquilibre économique et politique, en arrêtant ses discours paternalistes à la limite de l’insulte ou encore en arrêtant de soutenir les régimes autoritaires qui sont pour le maintien de cette influence néocoloniale. On aime l’Afrique et les africains ou on la quitte!

 

Nous sommes le mardi 08/08/2023, l’ultimatum a expiré depuis 2 jours et pour l’instant toujours rien, aucune frappe sur le Niger. On pourrait se demander si toutes ces manœuvres n’étaient pas juste destinées à faire de l’intimidation. Ou alors c’est parce que le Nigéria, grande puissance régionale qui devait jouer un rôle majeur dans cette intervention au Niger, n’a pas eu le soutien de son sénat qui lui demande de favoriser la voie diplomatique. Ou encore Ils auraient reculé face à la détermination du peuple Nigerien. L’histoire a prouvé que c’est toujours au peuple de chercher sa propre liberté. Un peuple se libère tout seul. La liberté ne se donne pas, elle s’arrache. Un peuple qui se lève tous ensemble avec un objectif ultime d’en finir avec l’assujettissement, rien ne peut l’arrêter! Seule la lutte libère !

Diaoula Sadio, Mama Saer Diop

 

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