mardi 19 mars 2024
Le regard de Shamsdine

Bienvenu au royaume de la Nuit ! (Par Mansour Shamsdine Mbow)

 »Là où tout va bien », pour faire un clin d’oeil à Mamane, le chroniqueur satirique des matinales de la RFI.

Dans notre royaume, le roi se nourrit des ténèbres alors que le peuple mâche au quotidien le pain noir du désespoir comme le festin amer des malheureux. La vérité et le mensonge y sont de vrais jumeaux et s’habillent tous les jours en haillons et lambeaux. La jeunesse, laissée à elle-même, s’inscrit à l’école de l’indiscipline, de la petite délinquance et au registre des aventures mortelles. Les voleurs de milliards s’y érigeant en des héros crient au voleur pendant que des innocents croupissent en prison. Ceux qui y dénoncent les crimes sont considérés comme des criminels.

Dans ce royaume d’enfer, les banques sont les cimetières des salariés et leurs comptes sont des tombes financières au dessus desquelles s’élèvent les épitaphes de beaucoup de misérables travailleurs.

Dans ce triste royaume, la justice est rendue sur le dos du peuple au gré des humeurs du despote et les plus démunis sont toujours reconnus coupables même si le droit est souvent de leur côté. Dans ce sinistre royaume, l’honneur et la dignité reposent au cimetière de la morale, et s’installe au sommet de l’empire le couple royal : le Mépris et l’Arrogance.





Ici, ceux qui sont censés veiller au strict respect des textes sacrés s’emploient tous les jours à les violer sans scrupule. Nombreux y sont, des juristes véreux et de vénaux prêcheurs qui, à cause de vils prix, cautionnent le tripatouillage démesuré de la charte fondamentale, et l’interprétation fallacieuse de la parole de Dieu. Certains imams, oulémas et dignitaires religieux ou coutumiers, jetant leurs frocs aux orties s’y métamorphosent en politiciens encagoulés. A hu et a dia, ils cherchent toujours à justifier les errements du régime en place n’en déplaise à la foi, à la loi et à la morale.

Ainsi, certains textes de rap y demeurent plus véridiques que certains sermons religieux. La vertu et le vice s’y côtoient dans une parfaite coexistence pacifique. La haine y est le drapeau noir planté au milieu des foules. La prière et la dévotion y sont tartuffiées. Les mosquées et les mausolées y servent de dépotoirs de péchés plutôt que de sanctuaires de purification spirituelle. Construire un lieu de culte y a plus de valeur et de caution sociale à connotation ostentatoire que d’aider les nécessiteux ou de construire des écoles pour former d’abord de bons croyants et de citoyens exemplaires.

Dans ce royaume, les scandales sont monnaies courantes au point qu’ils finissent par devenir de banales histoires faisant le buzz des médias. L’insulte publique y est un moyen de promotion politique et sociale. L’arène politique y est un lieu de légitimation du mensonge, de la corruption, de la dissimulation, du déballage, du reniement et de la trahison. Dans ce panthéon des vices et autres dérives, certains individus, adeptes de la doctrine luciférienne, préfèrent régner en enfer plutôt que d’être serviteurs au paradis.

Là bas, la presse est une industrie de production de fausses infos, fakes news, de dénonciation calomnieuse et de fabrication de pitres  »stars ». Les hôpitaux y génèrent plus de recettes monétaires que de soins médicaux: la santé est vendue au plus offrant et les patients deviennent des clients. Les maladies, SIDA, paludisme et Covid19 ainsi même que les intempéries sont des monnaies politiques dont se sert l’élite pour acheter la dignité des victimes et autres sinistrés. Y distribuer des aides alimentaires et autres kits sanitaires offre une belle occasion aux braconniers de la détresse des peuples de se donner en spectacle.

Dans ce royaume, l’alimentation contient plus de facteurs de risque de maladie que d’éléments nutritifs. L’école y produit plus de chômeurs, de délinquants, de lutteurs et d’agresseurs ainsi même que des candidats à l’émigration que d’honnêtes citoyens cultivant la vertu du travail, le patriotisme, et porteurs de projets ambitieux pour leur peuple. Les tribunaux y servent de lieux de condamnation et d’oppression que de formidables laboratoires de réinsertion sociale. La police, la gendarmerie et même l’armée y apparaissent plus comme des forces de répression et d’intimidation que des forces matérielles de protection des libertés des citoyens et de garantie de sécurité publique.

Dans notre lugubre royaume, le verbiage est gracieusement rétribué au détriment de l’action: des communicateurs traditionnels, flagorneurs,  »nabiens », courtisans, et autres baratineurs se la coulent douce ostensiblement pendant que les vaillants travailleurs croupissent encore dans la misère.

Dans ce royaume de l’injustice et de l’iniquité, les pécules, bourses et petits salaires sont fiscalisés de façon disproportionnée pendant que les gros salaires, perdiems et autres émoluments sont faiblement imposés s’ils ne sont pas exonérés. Dans ce royaume ténébreux, le deuil, le baptême et le mariage sont des cérémonies de festins, de libations et de nouba et s’offrent en belles occasions aux cérémonieux de se livrer à la comédie sociale au rythme des hommages hypocrites et d’autres compliments de circonstance, accompagné de distribution à flots de billets de banque.

Enfin, dans notre royaume de malheur, les rites et traditions populaires l’emportent à jamais sur la foi et le sacré. C’est pourquoi la justice et la liberté y sont de vains mots devant ces forces inhibitrices de la morale publique puisque dans ce royaume, l’Argent est le seul réel Dieu auquel on rend culte.

Mansour Shamsdine Mbow,
Professeur de Lettres- HG et chroniqueur.




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