Il fut un temps où la voix d’Aliou Tine portait, éclatante et indignée, au cœur de la cité. Il fut ce sage que l’on écoutait, ce pilier moral dont la constance inspirait le respect. Mais aujourd’hui, à voir le vieux accueillir Malick Ndour, ce visage trop familier du système, c’est tout un peuple qui sent le sol trembler sous ses pas. Recevoir Malick Ndour, c’est ouvrir sa porte à la compromission, c’est fermer les yeux sur les blessures encore ouvertes de la société.
Comment peut-on, au nom d’un passé universitaire commun, faire abstraction du présent brûlant ? À l’heure où chaque mot, chaque geste devrait porter les exigences de vérité, de justice et de rupture, Aliou Tine choisit la chaleur douce des visites feutrées, pendant que la rue gronde, pendant que la jeunesse s’épuise à réclamer un avenir digne. Malick Ndour ne vient pas en éclaireur. Il vient en émissaire d’un régime qui a écrasé la contestation, muselé les voix libres, et recouvert les aspirations populaires d’un lourd silence.
Le vieux meurt à petit feu. Non pas par le poids des années, mais par ses renoncements successifs. Il ne reste plus grand-chose du combattant d’antan. À trop vouloir arrondir les angles, il finit par effacer les lignes de front. Son appel au dialogue sonne creux, vidé de son sens par cette poignée de main qui trahit davantage qu’elle ne rassemble.
La société, elle, n’oublie pas. Elle voit. Elle juge. Et elle sait que certaines portes ne devraient jamais s’ouvrir sans conditions, surtout quand la confiance du peuple est en jeu.
SALL MAMADOU OUMAR