dimanche 1 décembre 2024
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Surchauffe dans les prisons au Sénégal : SOS plus d’humanité pour les détenus

Monsieur le Président de la République,

On mesure le degré d’humanisme d’une nation à la qualité de traitement qu’elle réserve, entre autres, à ses prisonniers. La réussite de leur réinsertion est tributaire du traitement qu’on leur aura réservé en milieu carcéral. Qu’en est-il du Sénégal qui, soucieux de préserver le tissu social et la dignité de l’être humain, a pourtant pris des engagements internationaux et nationaux inhérents au respect des droits humains ; le tout se traduisant par la ratification des traités, le renforcement du cadre normatif et institutionnel?

Le prisonnier devrait-il perdre ses droits fondamentaux, élémentaires parce qu’il est en incarcération?

L’administration pénitentiaire, en particulier le Service Litige, qui doit veiller sur la situation carcérale de chaque détenu joue t-elle véritablement son rôle?

C’est un secret de Polichinelle que d’affirmer que les conditions de détention au Sénégal sont exécrables et la population carcérale est pléthorique. Comme nous le savons tous, et cela nous est permanemment signalé dans les nombreux rapports du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme sur la situation des droits de l’Homme au Sénégal, les conditions de détention carcérale sont particulièrement critiques.

Toutes les trente-sept (37) établissements pénitentiaires, à savoir: les deux (2) maisons d’arrêt de Dakar (Rebeuss) et de Saint-Louis, les trente-deux (32) maisons d’arrêt et de correction, ainsi que la seule maison de correction de Sébikotane et les deux (2) camps pénaux, Liberté VI à Dakar et Koutal à Kaolack, ont été construites par l’administration coloniale française en 1929, plus particulièrement celles de Saint-Louis et de Dakar. Les autres sont d’anciens locaux, conçus pour un autre usage, transformés en prisons. Alors que la capacité d’accueil officielle des géoles au Sénégal est de 7350 (mars 2018), La population carcérale totale était de 12430 (août 2022) dont 48% sont en attente de jugement, soit un taux d’occupation de 169,11 %. Ce nombre serait même sous-estimé. C’est un véritable camp de concentration dans lequel les détenus, à savoir les prévenus et condamnés, s’entassent.

Adultes, mineurs cohabitent et vivent dans une promiscuité qui inquiète leur famille ainsi que les défenseurs des droits de l’homme. Une condition dramatique qui est à l’origine de cas d’agressions et tortures de tous genres, tout comme les maladies contagieuses, en particulier les diarrhées et les infections respiratoires qui peuvent se propager à grande vitesse.

Cette tragique situation n’est plus acceptable. Elle est devenue intolérable et insoutenable. Les détenus qui séjournent dans ces prisons réclament, malgré leur privation de liberté, d’avoir de meilleures conditions de vie : la liberté d’avoir de l’eau, de l’électricité, des lits, des aires de jeux, des ateliers de formation, un centre de santé digne de ce nom, de la nourriture… Bref, le minimum vital.

De même, le service de psychologie, s’il en existe déjà, attaché à ces établissements pénitentiaires devrait être réhabilité et réactualisé. Ceci fait partie des besoins cruciaux de réinsertion sociale tout comme la formation professionnelle et l’enseignement qui devraient être destinés à cette frange de la société. Idem pour toutes autres mesures qui intègrent le sport, les activités spirituelles et socio-éducatives leur apportant de l’épanouissement et un mieux-être. Cela est parfaitement possible. Le prisonnier ne perd pas ses droits fondamentaux, élémentaires parce qu’il est en incarcération.

Nous formulons tous les vœux pieux de voir les autorités compétentes désengorger les prisons sénégalaises, faire respecter les délais de détention, avancer les procédures ainsi que les enquêtes, et juger ces gens. Dans cette optique, l’approche genre doit être également prise en compte.

Notre système judiciaire devrait se remettre en question car cette surpopulation carcérale peut s’expliquer notamment par la tendance que certains magistrats ont d’incarcérer systématiquement des gens qu’on oublie après. Nombreux sont ceux qui restent des années sans jugement. Et pourtant nos textes disent que la détention préventive est l’exception et la liberté provisoire la règle.

Monsieur le Président,

En matière d’amélioration des conditions de vie carcérale, vous avez pu faire ce qui vous a été humainement possible de faire dans le cadre des travaux d’aménagement, de réhabilitation et d’extension des prisons que vous avez initiés mais de votre propre aveux, cela reste largement insuffisant pour juguler la surpopulation carcérales. Dans cette optique, nous vous exhortons à prendre des mesures d’exception pour un désengorgement rapide des prisons. Nous interpelons votre gouvernement et les autorités compétentes à vous présenter diverses mesures d’exception pour la justice, en vue de permettre la libération immédiate de prisonniers âgés, malades ou présentant un risque faible de récidive ou de danger pour la société, ou encore clairement victimes de détention arbitraire. Ces mesures viseront à simplifier, pour une meilleure diligence, l’examen des demandes de réduction ou suspension de peine et les demandes de libération provisoire ou conditionnelle.

Par ailleurs, nous vous exhortons à instruire vos techniciens, à vous soumettre le plutôt possible un projet de textes portant sur des peines alternatives à l’emprisonnement systématique et de raccourcir les délais de détention. En réalité, le Code pénal prévoyait, dans son chapelet de peines, que l’inculpé ou le prévenu pouvait faire un travail d’intérêt général pour payer sa dette à la société afin de respecter les droits de l’homme et de lutter contre la surpopulation carcérale au Sénégal.

Ultimement, compte tenus des délais qui vous sont impartis, l’option nucléaire, à savoir l’usage magnanime et magnifié de la grâce présidentielle serait une solution utile, nécessaire et suffisante pour solutionner avec célérité le surpeuplement carcéral au Sénégal.

En charge, pour vos successeurs, au nom de la continuité de l’Etat, de poursuivre l’œuvre d’humanisation renforcée de la détention, la préparation à la réinsertion sociale du détenu et l’amélioration de l’offre de service public pénitentiaire dans notre pays.

Yacine DIENG
Vice-coordinatrice PASTEF-GAMBIE

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