dimanche 28 avril 2024
Politique

Sunugal : Comment l’état de classe néocolonial devient un état hors la loi

Beaucoup s’étonnent de ce que la presse sénégalaise, africaine et même mondiale appelle de plus en plus « la dérive autoritaire de l’État de la vitrine démocratique » françafricaine, eurafricaine et usafricaine du Sénégal et ce que les manifestants au pays et dans la diaspora appellent « la dictature de Macky Sall ». Les images macabres qui défilent dans la presse et sur les réseaux sociaux, celles des forces de répression et des nervis tirant à balles réelles sur des manifestants pacifiques ou ayant des cailloux ne sont plus une exclusivité des pratiques assassines de l’État sioniste d’Israël contre les enfants de Palestine. C’est bien au Sénégal que se déroule ce film des horreurs hollywoodien d’une affaire dite « privée entre deux citoyens » qui débouche sur des révélations d’un complot d’Etat confirmé par un verdict au bout de deux ans d’une procédure dans laquelle certificat médical, rapport d’enquête de la gendarmerie, témoignages, saisine de la chambre criminelle, requalification reconnaissant de fait de faux et usage de faux de l’accusation de « viol et menace de mort » en « corruption de la jeunesse » et condamnation du candidat Sonko à l’inéligibilité qui disqualifie et expose lumineusement aux yeux de tous un pouvoir judiciaire soumis au pouvoir exécutif présidentiel.

Déclarant en mars 2021 avoir été « surpris » par la révolte de la jeunesse contre ce kidnapping policier qui a fait le tour du monde médiatique, le président de la République, Macky Sall, s’était fendu d’une mise en garde : « ce qui est arrivé, n’arrivera plus » aussitôt suivie de nouvelles distillées dans la presse et montrées lors des défilés du 4 avril de la dotation en armes et matériels répressifs de la gendarmerie, la police et même de l’armée. Des révélations faisant froid au dos sur l’achat, dit-on, de 45 milliards de francs CFA d’armes par le Ministère de l’environnement et pour lequel certaines sources pointent maintenant la présidence comme l’acheteur pour armer les nervis que l’on a vu sévir à chaque révolte populaire de la jeunesse.

Bref depuis mars 2021, tout se passe comme si la justice, la gendarmerie, la police, les nervis, la presse aux ordres, les arrestations préventives arbitraires de militants, de journalistes, des coupures de signaux de télévision, les « dialogues » successifs ont été mis à contribution pour préparer et porter l’estocade final au candidat du camp patriotique, O. Sonko, dont tout le monde reconnaît maintenant, y compris les sondages, qu’il l’emporte largement dès le premier tour de la présidentielle du 25 février 2024.

Mais échec et mat, c’était sans compter avec la détermination d’une jeunesse (environ 70 % de la population) qui est en train de remplacer l’illusion d’une vie meilleure dans les pays impérialistes par l’engagement militant pour une vie meilleure dans son propre pays.

L’espérance qu’incarne aujourd’hui la figure emblématique du patriote Sonko et le projet de souveraineté nationale qu’il porte résulte de la prise de conscience en cours du lien intrinsèque entre la mal-gouvernance, les scandales quasi-quotidien des détournements des deniers publics révélés par les corps de contrôle de l’État et la soumission prédatrice néocoloniale aux Multinationales impérialistes.

Les stratèges de la troisième candidature illégale parce que constitutionnellement interdite de l’actuel président qui ont jusqu’ici écarté tous les concurrents potentiels à la présidentielle de son second et dernier mandat actuel, ont d’abord sous-estimé Sonko et le patriotisme montant quand il est devenu en 2017 « député au plus fort reste ». Puis, il l’ont radié arbitrairement de son poste d’inspecteur des impôts en pensant que tous les Sénégalais sont à leur propre image : corruptible ou poltron. Ensuite, ils ont cherché à l’isoler après sa troisième place avec près de 16 % à la présidentielle 2019 en organisant la transhumance vers le pouvoir de celui arrivé deuxième.

C’est en fait l’échec de tous les stratagèmes mis en place qui, manifestement, a conduit à ce complot d’État mal ficelé et révélateur à la fois d’une incompétence flagrante dans la capacité de dissimulation et d’un traumatisme violent vénal qui montre qu’ils sont prêts à tout pour garder le pouvoir.

L’obsession de se maintenir au pouvoir est boostée par la découverte du fer, du zircon et surtout du gaz et du pétrole.

La bourgeoisie bureaucratique néocoloniale appendice locale de la bourgeoisie impérialiste a pour fonction principale de garantir l’accès aux ressources naturelles, à la main d’œuvre taillable et corvéable au profit des Monopoles capitalistes de l’impérialisme français principalement. C’est ce qu’explique l’Internationale Communiste dans ses thèses à son VI éme congrès en 1928 sur la caractéristique essentielle du système colonial et néocolonial en écrivant que l’oppression impérialiste « au fond… consiste en un monopole, basé non seulement sur la pression économique mais aussi sur la contrainte non économique de la bourgeoisie du pays impérialiste dans le pays dépendant, monopole, qui a deux fonctions principales : d’un côté, l’exploitation impitoyable des colonies…, d’autre part, le monopole impérialiste sert à conserver et à développer les conditions de sa propre existence, c’est-à-dire l’assujettissement des masses coloniales »; « dans sa fonction d’exploiteur colonial, l’impérialisme est, par rapport au pays colonial, avant tout un parasite qui suce le sang de son organisme économique. Le fait que ce parasite représente envers sa victime une haute culture, en fait un exploiteur d’autant plus puissant et dangereux, mais du point de vue du pays colonial ne modifie en rien le caractère parasitaire de ses fonctions » (VIè congrès – p.226). On constate ainsi que si historiquement « l’exploitation capitaliste de chaque pays impérialiste a suivi la voie de développement des forces productives, Les formes spécifiquement coloniales d’exploitation capitaliste, employées par la bourgeoisie (impérialiste), freinent, par contre, en fin de compte, le développement des forces productives de leurs colonies » (idem p.226). Voilà d’où vient le fait que 60 ans après les dites indépendances, il n’y a point de développement dans les néo-colonies, il n’y a que développement du sous développement.

Au Sénégal, sous Senghor près de 180 entreprises publiques et parapubliques ont côtoyé dans une relation de subordination la mainmise des monopoles impérialistes françaises dans le cadre desdits « accords de coopération » qui vont organiser le passage de la colonie à la néo-colonie.

Sous Diouf, le « moins d’État, mieux d’Etat » (sic!) des plans libéraux d’ajustement structurel pour rembourser la dette usuraire et les intérêts vont flinguer les entreprises parapubliques comme l’ONCAD, etc, avant que la dévaluation du CFA de 1994 n’ouvre les vannes de la privatisation-bradage des secteurs stratégiques comme l’eau, les télécoms, le port, etc. Rappelons que seule la SENELEC, a par sa combativité syndicale empêché jusqu’à nos jours sa privatisation.

Sous Wade, la privatisation va bon train doublée de grands travaux surfacturés, de marchés de gré à gré, de boulimie foncière, etc tout en diversifiant ses partenaires économiques étrangers. Macky a tout simplement prolongé et amplifié la rapacité apatride des sociaux libéraux du PS et démembrements et des libéraux du PDS et démembrements dont l’APR flanqués des renégats de l’ex-gauche.
Si les bourgeoisies bureaucratiques qui se sont succédé au pouvoir mêlent à la fois nouveaux et transhumants, on peut dire à grand trait qu’elles bénéficient jusqu’ ici du statut de « colonies de l’arachide », des phosphates, du poisson, du tourisme et des impôts des travailleurs pour s’en mettre plein les poches tout en laissant au fil des diktats du FMI, de la Banque Mondiale et de l’OMC les secteurs stratégiques aux Firmes multinationales impérialistes.

La découverte du pétrole et du gaz confère à la bourgeoisie bureaucratique clanique actuelle une perspective prédatrice autrement plus liquide et juteuse. Voilà pourquoi Macky/APR/BBY s’accrochent au pouvoir à tout prix.

C’est donc le pétrole et le gaz qui FASCISENT le régime présidentiel actuel dans notre pays. En effet, tous les régimes néocoloniaux ont été libéraux (sauf au début) et répressifs. Senghor/Dia l’ont été en imposant le parti unique, en interdisant et réprimant le PAI, premier parti marxiste-léniniste et véritablement indépendantiste, et en phagocytant par la force et la ruse le MFDC et le PRA avant de concéder aux luttes populaires, notamment de 68, le « multipartisme limité ». Diouf l’a été en faisant le « multipartisme intégral », en réprimant les contestations des vols électoraux, en intégrant l’opposition dans ses « gouvernements d’union nationale » et en menant une guerre brutale meurtrière contre le MFDC en Casamance. Macky dépasse ici toutes les limites en combinant ruse (alors qu’il a perdu tout crédit aux yeux du peuple), répression mortifère, utilisation flagrante hors la loi des pouvoirs régaliens de l’État, judiciaire, gendarmerie, police, violence politique à l’Assemblée Nationale où il n’a plus vraiment de majorité mécanique, complot d’État, arrestations arbitraires, illégales, nervis tueurs, etc.

Les récentes élections locales et législatives en Guinée Bissau et Gambie annoncent la perte pour Macky d’alliés qu’il avait intronisé et qu’il pouvait utiliser dans sa stratégie de se maintenir coûte que coûte au pouvoir. Et force est de constater que les impérialistes français, européens et états-uniens qui le soutenaient jusqu’ici contre Sonko cherchent manifestement une alternative à lui ainsi qu’à Sonko ce qui fait que les concurrents qui se sont déclarés candidats à la présidentielle du 25 février 2024 cherchent à en bénéficier.

Deux voies s’offrent pour sortir des impasses politico-judiciaire, répressives mortifères, diplomatique le rapport des forces exprimé par la révolte de la jeunesse patriotique contre le complot d’État de Macky/APR/BBY :
– Macky/APR/BBY repartent à l’assaut en utilisant la violence brutale criminelle de l’État avec le risque que cela se retourne contre eux avec des conséquences totalement imprévisibles ;
– Macky/APR/BBY annulent le verdict injuste contre Sonko qui n’obéit qu’au besoin d’éliminer son droit à candidater et libère tous les détenus politiques;
– Macky respecte la Constitution qui dit que « nul ne peut avoir plus de deux mandats consécutifs »;
– Macky accepte l’organisation de la présidentielle par des personnalités ou un organe consensuel indépendant.

Cette plateforme que l’on retrouve dans le F24 est la seule porte de sortie démocratique de la crise politico-sociale dans laquelle Macky/APR/BBY ont plongé le pays. Le F24 à qui le régime actuel refuse le droit d’organiser le « dialogue populaire », des rassemblements et des manifestations doit continuer à exiger le respect des libertés individuelles et collectives. Ces atteintes liberticides du pouvoir autoritaire vont progressivement réunir les conditions de la jonction entre jeunesse en colère, émeutes de la faim et les forces vives de la nation.

L’exigence de démission des ministres, le garde des sceaux pour ce verdict inique et de l’intérieur pour la répression aveugle, est totalement justifiée. Celle que certains agitent, notamment des candidats concurrents qui savent que si le verdict n’est pas abrogé, Sonko ne pourra pas y participer, en ce qui concerne le président Macky Sall dont le mandat expire légalement le 25 février 2024 ouvre une boîte de pandore dangereuse dont n’importe quoi peut sortir.

DANS LES CONDITIONS ACTUELLES DU RAPPORT DES FORCES, LES REVENDICATIONS JUSTES SONT :
– ANNULATION DU VERDICT CONTRE SONKO,
– PAS DE TROISIÈME CANDIDATURE ANTICONSTITUTIONNELLE DE MACKY,
– LIBÉRATION IMMÉDIATE DE TOUS LES PRISONNIERS POLITIQUES,
– ORGANISATION CONSENSUELLE DE LA PRÉSIDENTIELLE DE FÉVRIER 2024,
– MESURES IMMÉDIATES DE BAISSE DES PRIX DES DENRÉES DE PREMIÈRES NÉCESSITÉS.

Diagne Fodé Roland, 11/06/23

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