Sommet et contre-sommets Afrique-France : quels regards pour les nouvelles générations ?
Le Sommet Afrique-France se tient du 7 au 9 octobre 2021 à Montpellier et pour la première fois sans les chefs d’Etat africains. Aucun président n’a été convié, puisque, disent les autorités françaises, ce nouveau sommet est tourné vers la jeunesse avec une part belle réservée aux sociétés civiles et aux associations de la diaspora. Le président Emmanuel Macron entend ainsi changer la nature des relations entre la France et les pays africains, puisque désormais c’est la jeunesse qui porte le renouveau de la relation Afrique France.
Est-ce l’équivalent du fameux « Je vous ai compris » du Président Macky Sall lancé à la jeunesse sénégalaise à la suite des évènements de mars 2021, ou une réelle prise en compte de Emmanuelle Macron des nouvelles aspirations de la jeunesse africaine, engagée dans une lutte anticoloniale, consciente de la place de l’Afrique sur le plan géopolitique et des énormes potentiels en ressources naturelles dont dispose le continent ?
Le parallèle peut être réellement fait puisque de la même manière que Macky Sall a pu réunir une partie de la jeunesse sénégalaise à Diamniado pour lancer l’autre fameux « Li dou fi amaat », Emmanuel Macron va réunir des représentants de la jeunesse franco-africaine, des intellectuels, des chercheurs, des créateurs, des artistes, des sportifs, des entrepreneurs pour un dialogue ouvert, un temps fort de débat sans sujets tabous. N’est-ce pas une réponse au « sentiment anti-français, qui est surtout un sentiment anti-françafrique, c’est-à-dire un rejet de ces politiques, qui grandit dans l’ensemble des pays d’Afrique francophone.» ? Dans tous les cas c’est ce que pensent certaines ONG qui ont milité pour l’annulation du sommet Afrique France de Montpellier.
Ce sommet nouvelle formule fait débat sur le continent africain et dans la Métropole et, malgré les annonces et toute la volonté affichée par le président français, certains acteurs doutent de la réalité de ses intentions.
En parallèle de la rencontre officielle, des organisations mettent en place simultanément à Montpellier, ailleurs ou de manière virtuelle plusieurs « contre-sommets ». Pendant que le président Emmanuel Macron reçoit ses invités pour évoquer des sujets et débattre sur l’entrepreneuriat, l’enseignement supérieur, la formation, d’autres acteurs évoqueront les dérives de l’’aide française au développement, le franc CFA et la domination monétaire et économique, la présence militaire française sur le continent africain, les Accords de partenariat économique (APE) et autres accords de libre-échange qui profitent avant tout aux multinationales, les dettes odieuses et illégitimes des pays africains dont les conséquences sont la baisse des investissements dans l’éducation, la santé et les services publics, l’accroissement de la pauvreté et de la malnutrition,
Pour beaucoup d’acteurs, malgré les efforts du Président Emmanuel Macron, « l’esprit néo-colonial est toujours présent… et …le sommet France-Afrique est l’expression de la défense des intérêts français dans les pays Africains ». Ainsi, la France exerce toujours une domination économique et diplomatique sur l’Afrique. Elle soutient des régimes qui bafouent les droits humains et qui empêchent l’émancipation des peuples. Elle donne caution à des présidents qui se maintiennent au pouvoir de manière anti-démocratique en organisant des coups d’Etat militaires ou constitutionnels, des chef d’état qui forçent un 3ème mandat quitte à réprimer leur peuple. Le soutien au coup d’État militaire au Tchad en avril 2021 est un triste exemple de cette politique.
Depuis quelques semaines, des syndicats, des organisations non-gouvernementales, des associations, des partis politiques des personnalités ont rejoint un Collectif du Contre-sommet Afrique-France à Montpellier dont les travaux se déroulent les 6-10 octobre à Montpellier. La Dynamique Unitaire Panafricaine organise le 9 octobre une manifestation dans les rues de Montpelier suivie d’une conférence virtuelle sur Facebook sur « Les accords coloniaux dits de coopération ». Le Mouvement National des Cadres de Pastef (MONCAP) en France organise les 9 et 10 octobre sa première édition de l’Académie Citoyenne en marge du sommet Afrique France sur le thème « L’Afrique francophone : facteurs de freins au développement et pistes de solutions »
Au soir du 10 octobre quels regards seront portés sur la relation entre l’Afrique et la France par les nouvelles générations ? Le sommet et les contre-sommets nous édifieront davantage.
Abdou SONKO