vendredi 29 mars 2024
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Non, Mr Sarkozy, pas de simplisme ! (Par Alphonse Diédhiou)

Le contexte de la pandémie du covid-19, a permis de ressortir des méandres du réseau internet des discours tendancieux sur la surpopulation de la planète. C’est le cas du président français Emmanuel Macron mais surtout de Nicolas Sarkozy ancien président français, chez qui la question de la population mondiale semble être un prétexte pour parler d’une supposée surpopulation Africaine. Cette question paraît comme une obsession depuis qu’il a perdu les élections en France. Oublié son slogan « immigration choisi plutôt que subi », il s’agit maintenant d’alerter sur le danger qui guette l’humanité à savoir la surpopulation.

On aurait envie de croire en la sincérité de sa démarche si ce n’est que revient systématiquement la question de la surpopulation africaine. Il a beau essayé d’en faire une problématique mondiale mais très vite, comme une obsession, c’est l’Afrique qui sera le terreau de son argumentaire ; « chasse le naturel il reviendra au galop ».

Que le lecteur soit rassuré, il ne s’agit pas ici de prendre des raccourcis et de se servir de ses propos pour alimenter la théorie du complot pour diminuer la population africaine. Mon propos c’est surtout de s’attaquer à la légèreté et aux contre-vérités volontaires ou pas, qui accompagnent souvent son argumentaire. Les consommateurs de ce genre de discours, sans un minimum de recul et d’esprit critique ont toutes les chances de développer une peur bleue de l’Afrique, une peur de l’africain.



Les faits, rien que les faits.

Mr Sarkozy, lors de l’université d’été 2019 du Medef, en parlant de la croissance de la population mondiale, déclare : « Le choc n’est pas climatique mais démographique ; des dérèglements climatiques le monde en a connu, qui ont conduits à la disparition de 80 % des espèces, mais un choc démographique comme celui qu’on est en train de vivre le monde n’en a jamais connu ».  Et à Mr Sarkozy d’enchainer : « dans 30 ans le Nigeria aura plus de population que les USA ; On va passer de 1,2 milliards d’africains à 2,5 milliards ; La crise migratoire n’a pas commencé elle est à venir. C’est d’ailleurs la première cause de la pollution. »

L’ancien président français vient ainsi de faire porter subtilement (ou grossièrement c’est selon), une grosse partie de la responsabilité de la menace qui pèse sur l’humanité par les africains. Avec un jeu de phrase bien orchestré, il veut laisser croire que leur nombre serait la cause première de la pollution. Ce n’est plus la pollution industrielle, la pollution liée au transport automobile ou aérien, ni même celle liée à l’agriculture intensive qui sont la cause des problèmes de pollution mais la croissance exponentielle de la population mondiale et surtout africaine. La réalité des faits que nous allons abordés prouve l’inverse.

Ci-dessous la répartition de la population mondiale (source Nations Unies). On y voit que l’Afrique en 2019 ne représente que 17% de la population mondiale.

Selon l’ONG Global Footprint Network, il existe plusieurs types d’indicateurs de l’impact de l’activité humaine sur la planète et qui permettent de classer les pays les plus pollueurs.

  • Le taux d’émission de CO2 par pays. Bien qu’intéressant cet indicateur ne prend pas en compte de la taille du pays et donc reste limité.

  • Le taux d’émission de CO2 par habitants. Il permet de ramener l’émission pour un pays de gaz à effets de serre à l’échelle de sa population.

  • L’empreinte écologique qui permet de mesurer la pression qu’exerce la population d’un pays sur les ressources naturelles que son territoire est capable de supporter.

Les chiffres ci-dessus ne permettent nullement d’affirmer que la démographie africaine ni les phénomènes de migration sont à l’origine d’une quelconque grande pollution ou menacerait l’approvisionnement mondial en ressources naturelles. Au contraire, la grande majorité des pays africains ont l’empreinte écologique la plus faible du classement. Même si c’est le faible niveau de développement des pays africains qui explique cette faible empreinte écologique, c’est en tout cas la réalité des faits, rien que les faits.

Le style de vie d’une minorité de la planète est la principale cause de pollution ; ce même style de vie met sous tension les ressources naturelles disponibles sur la planète. Le vrai courage consisterait donc à remettre en cause le mode de vie de cette minorité qui gaspille les ressources de la planète plutôt que de s’en prendre aux africains, qui semblent être pour certains une cible facile.

En parlant de l’assouplissement par la chine de la politique de l’enfant unique, Mr Sarkozy déclare : « Les chinois, et on ne peut pas leur donner tort, ils n’ont plus les moyens de payer leur retraite, viennent de décider qu’on ne mettrait plus en place la politique du 1 enfant, en Afrique subsaharienne la moyenne d’enfants par femme est de l’ordre de cinq, donc si on n’agit pas très rapidement on va au-devant d’une catastrophe extravagante. »

Le courage de Mr Sarkozy serait-il sélectif ? puisque qu’on ne peut pas en vouloir au chinois pour l’abandon de la politique de 1 an. Vers où devrions nous concentrer les efforts pour une maitrise de la population ? Suivez mon regard, ou plutôt celui de Mr Sarkozy !

Pourquoi donc cet acharnement sur l’Afrique de la part des dirigeants français ? Est-ce la manifestation d’un réflexe colonial ou l’arrogance légendaire de ceux-ci ? La France n’étant pas la seule puissance coloniale, on s’étonne qu’elle soit presque la seule à se focaliser avec autant de condescendance et de légèreté sur la population africaine.

Critères d’appréciation de la surpopulation d’un pays ou d’un continent

Rappelons que l’immense continent africain, avec ses 30,37 millions de kilomètres carrés et ses 54 états, a une population inférieure à celle du seul pays, l’Inde, avec ses 3,28 millions de kilomètres carrés (1,2 milliards contre 1,353 milliards). Avec presque 10 fois plus de superficie que l’Inde, l’Afrique abrite moins de population. De même l’Afrique est moins peuplée que la Chine qui compte 1,4 milliards d’habitants pour une superficie de 9,59 millions de kilomètres carrés, alors qu’elle est 3 fois plus vaste.

Le nombre d’habitants ne peut pas être le seul paramètre pour apprécier le niveau de population d’un pays. Comparer par exemple la population belge (11 millions) avec la population Française (67 millions) sans tenir compte de la taille du pays c’est comparer des pommes et des poires. C’est assurément la densité, qui est le rapport de la population sur la taille du territoire qui permet objectivement d’apprécier la surpopulation ou pas d’un pays ou d’un continent.

Population mondiale vue sous l’angle de la densité.

Le Nigéria, que Mr Sarkozy aime citer en exemple, et qui est de loin le pays plus peuplé d’Afrique a une densité (215 hbts/km2) qui est inférieure à celle de l’Allemagne (237 hbts/km2), celle de la Belgique (377 hbts/km2) ou celle du Royaume Uni (275 hbts/km2). Pourquoi donc cette obsession pour ce pays ? Pourquoi vouloir à vouloir en faire le reflet fidèle de la population africaine ?

La France a une densité de population (122 hbts/km2) largement supérieure à celle du Sénégal (82 hbts/km2) et de la plupart des pays africains. Pourquoi donc la France se félicite-t-elle d’avoir le taux de fécondité le plus élevé d’Europe (1,9 enfants par femme) et en même temps faire tout un tintamarre sur le taux de fécondité en Afrique.

Selon les données de la banque mondiale la densité de l’UE est de 105 hbts/km2 alors que celle de l’Afrique subsaharienne est de 51 hbts/km2. Donc même amputée de son immense Sahara presque inhabité, l’Afrique a une densité de population plus faible que l’Europe.

La surpopulation de la planète, sujet légitime.

La question de la (sur)population est légitime. Le sujet n’est pas tabou, en tout cas pas en Afrique contrairement à ce que veut nous faire croire Mr Sarkozy. Les Africains ne l’ont pas attendu pour avoir des politiques de planning familial car c’est avant tout une question de santé de la reproduction. 

La baisse du taux de mortalité infantile a permis aux couples d’aborder plus sereinement la question du nombre d’enfants car ne devant plus faire beaucoup d’enfants pour tenir compte du risque d’en perdre.  Le taux de fécondité en Afrique sub-saharienne est passé de 6,8 enfants par femme au début des année 80 à 4,9 enfants par femme aujourd’hui. La question du nombre d’enfants doit être et rester une question de liberté fondamentale. Personne ne doit ni ne peut imposer quoi que ce soit aux africains, ni à personne.

A l’échelle mondiale, tout débat sur la question de la population de la planète doit se faire sans condescendance et en toute objectivité. Les africains ne doivent pas accepter que la croissance de la population ou le nombre d’habitants en valeur absolu soient les seuls critères d’appréciation. Autant la croissance économique d’un pays ne permet pas à lui tout seul d’apprécier le degré de développement d’un pays, sinon l’Afrique avec sa forte croissance économique sera considérée comme le continent plus développé, autant celle de la croissance d’une population toute seule ne permet pas de juger ou pas de sa surpopulation.

Alphonse Diedhiou
Management Engineer
Software Engineering team lead and Executive manager Y-TS
Chargé de communication Pastef Belux

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Catherine Blake
Catherine Blake
3 années il y a

On peut parler objectivement de chiffres sans être raciste! Une étude scientifique ou un compte rendu des natalités ne gênent que les mauvais esprit qui génèrent incompétence et inefficacité préjudiciables à l’humanité dont les bien pensants se prétendent les défenseurs. Certains pays en effet ont un plus grand nombre d’enfants par foyer..et par forcément ceux qui ont les moyens de les élever.

Alphonse
Alphonse
3 années il y a
Répondre à  Catherine Blake

Si on suit votre logique, les pauvres ne doivent pas faire des enfants parce qu’ils n’ont pas les moyens de les élever? L’objectivité voudrait qu’on ne se limite pas seulement au nombre de naissance par femme pour apprécier une situation de surpopulation. Si dire cela c’est être bien-pensant je vous laisse volontiers le coté des mal-pensants.

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