Mon Ecosophie… (par Cheikh Oumar Diagne)
L’économie, en tant que discipline sociale éprouve un mal immense à gérer une maison où l’hétérogénéité est de mise depuis qu’elle a tourné le dos à la morale. A Smith, un des prophètes de l’univers des économistes écrivit dans le champ de la morale bien avant de s’aventurer à répéter ce que les auteurs de la période d’or de l’Islam considéraient comme des lapalissades.
Les grands savants de l’antiquité prirent le nom de philosophes en s’inscrivant au cœur de toutes les réflexions transformatrices de la cité, avec comme moteur la lumière de la sagesse. N’est-ce pas ce qui manque aujourd’hui à nos penseurs ? L’économie moderne a procédé à une sophistication de son langage grâce aux mathématiques fonctionnant avec des lois fausses et des axiomes périmés ; elle se réclame dorénavant de la science, dénuée de morale et dans une confusion manifeste entre buts et moyens ! Beaucoup de crises économiques actuelles ont une origine à rechercher dans les théories périmées qu’ailleurs. C’est de cette crise qu’il urge d’apporter des solutions à l’ère de l’Anthropocène avec son lot de priorités à régler pour le salut de l’humanité.
L’économie a un effet limité sur la bonne gestion de la cité pour moult raisons. D’abord, la bonne gestion couvre l’environnement matériel et immatériel de la cité. Ensuite la mise en cohérence des trois bases de déploiement d’une politique économique à savoir : les outils, principes et règles qui se doivent d’être responsables, intelligentes et acceptées. C’est bien sous ce prisme qu’agit l’économie. Enfin, arrivent les acteurs faussement présentés comme rationnels dans leurs choix, égoïstes sur leurs objectifs et pragmatiques dans leurs actions. L’homme n’est pas cet être égoïste que les économistes présentent dans leurs manuels ; il est capable de solidarité, d’empathie et de sagesse dans ses choix et actions. Ils se consacrent très souvent à des activités non marchandes et s’implique sur des problèmes qui dépassent son cadre de vie et ses intérêts vitaux. L’homme est le dépositaire de la lieutenance divine sur terre dans toutes les religions anciennes et révélées.
Le XXIe siècle est marqué par la volatilité, l’incertitude, la complexité et l’ambiguïté. Cet état de fait, exige que la discipline économique évolue en se responsabilisant davantage tout en se parant de sagesse. Sage dans ses approches, dans la finalité de ses actions, dans ses observations et surtout dans le paradigme d’évolution qui devra intégrer des enjeux sociaux, écologiques et technologiques insuffisamment pris en charge dans celui capitaliste mainstream.
Dans une gestion sage de la maison, il faudra de l’économie pure et responsable dépouillé des inepties et bêtises enseignées dans les facultés modernes. Il faudra beaucoup plus d’humanisme pour atteindre le bonheur des habitants de la maison. Il faudra aussi plus que du rationalisme car la raison n’est pas le seul instrument chez l’homme capable d’accéder à la vérité. En réalité c’est par la somme des attributs que l’homme assure sa charge et condamner sa démarche par sa seule raison c’est opter pour l’incomplétude et la partialité. Telle est notre écosophie à l’opposé de la conception de Félix Guattari qui n’y voyait que l’articulation éthico-philosophique complexe « entre les trois registres écologiques, celui de l’environnement, celui des rapports sociaux et celuih de la subjectivité humaine ».
L’écosophie est un concept forgé par le philosophe Arne Næss à l’Université d’Oslo en 1960. C’était au début du mouvement de l’écologie dite écologie profonde qui invite à un renversement de la perspective anthropocentriste : « L’homme ne se situe pas au sommet de la hiérarchie du vivant, mais s’inscrit au contraire dans l’écosphère comme une partie qui s’insère dans le tout ». Notre conception écosophique en diffère dans son orientation et son objet tout en revenant à l’étymologie essentielle du terme.
Cet exercice qui ressemble à maints égards à celui du cratyle de Platon devient nécessaire dans un monde hautement artificiel avec des constructions économiques déconnectées de la réalité et une marchandisation exagérée de l’économie ayant engendré des concepts défectueux et des bêtises consacrées comme axiomes.
Notre écosophie a une approche géoéconomique, un fondement socio anthropologique et une morale puisée du monothéisme pur. Elle revivifie l’étymologie du concept ; Oïkos pour maison et Sophos pour sagesse, notre écosophie est l’administration sage de la maison afin de produire la maison de sagesse tant enseigné par tous les prophètes depuis le patriarche Abraham. Dans un monde iséfetique , la pensée a le devoir de ne point cesser de se réinventer tout en résolvant les problèmes de l’heure. Pour se faire, il urge de divorcer d’avec les écomythes et de revenir à la morale. La bonne illustration réside en écologie où tous les experts sont unanimes sur les effets néfastes de la monoculture sur la dégradation des sols ; les écosophes sont unanimes sur les effets néfastes d’une monnaie unique dans un espace géographique hétérogène où évolue des communautés et des régions.
Notre écosophie cherche à répudier les fausses vérités de la « science » économique en procédant à une rupture devant l’approche partielle et incomplète de la société qui induit une sous appréciation de la réalité et son lot de réponses conjoncturelles face à des problèmes d’ordre structurels.
Pour toutes ces raisons et bien d’autres, et en attendant de voir l’émergence de géoécosophes aguerris, nos sociétés sans éthique ni morale ont plus besoin d’écosophes que d’économistes afin de réharmoniser la pensée d’avec la pratique et surtout de viser plus de bonheur tout en œuvrant respectueusement envers la nature et notre environnement.