Le wolofal dans nos média: réussites et échecs de 22 ans (Par Ansou Sambou)
À la question pourquoi tant d’émissions en wolof? Je répondrai par le paragraphe suivant :
L’introduction du wolof a d’abord été une voie de démocratisation de la radio et de la télévision.
À l’époque post coloniale, les années 70 exactement, la seule télévision qui existait au Sénégal s’appelait l’ORTS, introduite avec l’aide de l’ex colon français et rendue nationale. Il ne se parlait que le français dans cette télé où les journalistes présentateurs paraissaient pour des extra terrestres, ce que nous appelons aujourd’hui des stars.
À côté, le président Senghor et Mamadou Dia ainsi que d’autres oligarques, étaient les seuls qui avaient le privilège d’y apparaître chaque soir. Et le français dominait énormément dans un contexte où être citoyen (comme à l’époque coloniale) exigeait que l’on soit natif et habitant des 4 communes: Saint-Louis, Rufisque, Dakar, et Gorée ( corrigez-moi si je me trompe).
La radio a aussi suivi la même ligne éditoriale dès son implantation.
Le journal papier le Soleil était l’objet de tous les mythes. L’acheter relevait d’un exploi et le tenir entre les mains pour lire le contenu était un acte qui scellait ton entrée dans le cercle des «nobles» des assimilés noirs ou encore des êtres civilisés. Il faut avoir écouté les gens qui ont vécu cette époque pour s’en convaincre. Tu pouvait séduire et te taper une petite amie pour ça.
À l’image de la cigarette, le journal papier était un puissant et redoutable outil de séduction.
C’est entre 1994 et 1997 que la presse privée indépendante a vu le jour au Sénégal et l’innovation de taille qu’apporta son précurseur Sidy Lamine Niasse a été l’introduction de la langue wolof dans la radio et la création d’un journal en wolof et d’une émission où les citoyens appellent pour s’exprimer sur tous les sujets y compris leurs situations catastrophiques qui résumaient le bilan désastreux de Diouf et le PS de l’époque.
Cette innovation était en réalité, un combat politique, une gigantesque contribution au combat démocratique qui entrainera l’alternance à l’an 2000.
Les citoyens pouvaient désormais apprendre les scandales d’État dénoncées par Sidy Lamine Niasse dans ses chroniques, ses journaux parlés et bulletins d’information.
Il démythifia la radio et mis un coup fatal à l’oligarchie politico-intellectuelle et affairiste de l’époque.
L’introduction du wolof a donc été un passage obligé dans l’entreprise de démocratisation de l’espace politique, et de la parole dans le débat public mais aussi du combat pour la transparence et la bonne gouvernance. Un combat titanesque vu l’autocratie et l’hégémonie du Baobab socialiste qui sévissait sans pitié ni concession.
Mais aujourd’hui, cette introduction exagérée du wolof dans nos télés pour ne pas dire la domination certaine des émissions en wolof dans nos média est entrain de devenir un sérieux problème, car difficile aujourd’hui d’y expliquer certaines notions ou des éléments qui nécessitent une nomination précise en français. Ce wolofal est entrain de devenir nocif et contre productif pour la démocratie sénégalaise car certains politiciens en profitent pour biaiser le débat public, enfumer, torpiller, flouter, amalgamer des certitudes, des vérités et réalités indiscutables. En effet, tout est fait pour brouiller les téléspectateurs qui sont aujourd’hui très nombreux du fait de l’introduction de la langue wolof mais aussi de l’accès facile au poste téléviseur.
L’hyperbole et la mégalomanie utilisées dans les prises de parole des collaborateurs du chef de Benno, par les transhumants et les mammouths dinosauriens de la politique sont un bon moyen d’enfumage et devraient être impossible si les débats ou les interviews se faisaient en français. Une (01) émission sur dix (10) est en français, la langue officielle de travail et par ailleurs la langue administrative.
Dans beaucoup de scandales d’État, si le peuple peine à exiger la lumière et soutenir la contestation citoyenne, c’est plus lié à un défaut compréhension nette qu’à de la malhonnêteté ou de l’hypocrisie généreuse.
Cette domination du wolof a fait disparaître beaucoup de bons et pertinents débatteurs et permis à certains usurpateurs et ratés, d’envahir nos plateaux télé et radio et donc polluer le débat public.
À mon avis, une équilibration s’impose et les émissions de langue française doivent revenir.
Loin de faire une promotion pour la francophonie (je ne suis d’ailleurs pas d’accord avec ce machin et ses programmes), je signale une déformation insoupçonnée qui frappe nos média et prend des allures de normalités.
Pour le principe, d’avantage d’émissions sérieuses doivent se faire en français pour éviter les voltefaces politiciennes ou « wax_waxet ».
Ce wolofal qui a tant profité au peuple sénégalais en 1997 et jusqu’en 2012 est entrain de nous revenir en retombées balistiques sur la tête et la figure. Certains usurpateur talentueux en rhétorique wolof se sont imposés dans l’espace médiatique et politique par un verbiage langagier puissamment étalé et subtilement prononcé. En effet, ils paraissent pertinents et connaisseurs de ce sur quoi ils se prononcent alors qu’il n’en est rien de tout ça.
Revenons à l’orthodoxie mais sans faire dans l’anachronisme.
Les envies d’ouvrir le débat public sont salutaires, encourageantes, et les méthodes utilisées sont bonnes mais cherchons l’équilibre et surtout la clarté. Si ces émissions wolofal n’éclairent plus les gens (c’est mon constat), mais les plongent dans l’obscurantisme, il vaut mieux d’arrêter et revoir la copie. Si on veut juger, condamner des gens sur des plateaux télé ou sous les feux des projecteurs et caméras de la presse, il va falloir revoir le cahier de charges des média. Même les personnalités sensées avoir plus de retenu se livrent à la pratique et s’offrent en spectacle face aux caméras. C’est le cas du procureur, des avocats, des ministres et des soit disant chefs religieux autoproclamés. Le cas du procureur est encore plus grave car il rend des verdicts en conférence de presse, disculpe des criminels ou coupables présumés et charge leurs accusateurs ou des innocents qui bénéficient pourtant de la présomption d’innocence. Ce qui constituait une voie de sensibilisation et d’information rapide est entrain de devenir un moyen de brouillage et de désinformation voire de manipulation mensongère qui bouleverse les esprits les plus faibles et incultes.
Ansou SAMBOU, panafricain convaincu et militant politique