dimanche 19 mai 2024
Contributions

Le projet Pastef, le Fal jëf ou le pragmatisme comme alternatif

Les premiers actes posés par le gouvernement en place, dénotent purement de la doctrine du fal jëf, faussement interprété par « pragmatisme »: annulation de décrets, personnalités nommées aux différents ministères (agriculture, pêche et élevage, numérique et communication, justice et intérieur etc), visite de proximité des pays voisins, arrêt des travaux sur le littoral, descente du président de la république Bassirou Diomaye Faye, en personne à Mbour 4, pour s’insurger contre l’attribution de terrains à des autorités.

En réaction à ceux qui pensent que chaque doctrine, serait en soi une totalité fermée et construirait ses propres critères de rationalité, je serais tenté d’affirmer qu’une forme de doctrine du fal jëf universelle serait possible. Cette affirmation ne suppose pas une ouverture démesurée, sans la prise en compte des réalités sociales, mais plutôt de s’inspirer de ce qui marche ailleurs, sans trahir nos idéaux.

Dans la méthode pragmatiste du fal jëf , l’action doit être associée à un sens juste. L’abandon ou la reconduction d’un projet doit aussi être considéré en rapport avec ce sens. Il ne saurait, le moins du monde, dire que la démarche du fal jëf cautionne un contextualisme en faveur d’un système ou d’un homme habité par une folie de grandeur démesurée.

La méthode du fal jëf cherche à orienter l’action vers l’utilité, au service de la communauté, de l’intérêt général. La méthode pragmatiste du fal jëf ne cherche pas à récompenser telle communauté puisqu’elle a ou n’a pas soutenu notre projet.

Le fal jëf adopte avant tout une approche critique des idées, des théories, de leur clarification avant de se lancer dans la pratique de manière efficace et efficiente. Ainsi compris, le fal jëf dénote d’une démarche intellectuelle et pratique. Donc le djiteul jëf (privilégier l’action sur la théorie) ne suppose pas la négation de l’utilité de la réflexion, de la rationalité. Il suppose tout simplement que la pratique doit prévaloir sur la théorie lorsque la « vérité » est retrouvée pour éviter :

  • Le dilatoire, dans les décisions de justice ;
  • La rumeur ;
  • Le mensonge ou la logique politicienne d’intérêt individuel au détriment de celui de la communauté.

Dans la méthode du fal jëf, la détermination du vrai et du juste ne revient ni au juriste ni à l’expert, mais à l’ensemble de tous ceux qui appartiennent à la communauté de référence : les citoyens. L’exemple du régime sortant est édifiant. N’importe quel « expert » juridique politicien, agrégé soit-il où ministre, peut se permettre d’interpréter la loi de manière fallacieuse, absurde, en sa propre faveur, contre la volonté populaire.

Lorsque l’intolérance, le bigotisme et le panoptisme sont édifiés en système de gouvernance, il faudrait s’attendre à un nettoyage hygiénique complet du système avec le nouveau régime.

La société est à l’image d’un organisme, d’un corps. Les organes représentent les institutions et disposent d’une hygiène leur permettant de se conserver sainement (législations basées sur une bonne éthique, bonne gouvernance, règles de fonctionnement patriotiques) : le balai brandit lors de la campagne est tout un symbole.

Avec le fal jëf, il n’y a pas de privilège de la connaissance sur l’action ou de la théorie sur la pratique mais une attention particulière est dédiée à nos engagements et à notre subjectivation, c’est-à-dire notre capacité à être critiques sur nos projets, nos actions, avec les ordres normatifs (privilégier l’intérêt collectif au détriment de l’intérêt individuel) dans une démarche d’amélioration continue. Le fal jëf et l’auto critique sont les deux faces d’une même réalité.

Il n’existe pas d’intellectuel sans engagement social ou politique, sans combat contre l’injustice, sans une quête de remise en question perpétuelle. La classe intellectuelle doit être une force sociale qui travaille à élever le peuple au sommet des vertus en établissant les bornes de la tyrannie pour sortir d’une condescendance hypocrite en s’éloignant aussi bien de l’orgueil que de la bassesse.

Autant l’objectif du projet de Pastef est un objectif radical autant l’intérêt démocratique qui le porte est radical. Le projet, lui-même, est née en réaction, de manière radicale, contre un système inique. Même s’il est incarné par des hommes, il n’est la propriété de personne, le peuple se l’est déjà approprié. Il requiert un grand bouleversement de nos institutions, de notre condition de vie sociale et économique. Un dirigeant qui ne reconnaît pas cela, à la fois en pensée et en acte, porte préjudice à notre démarche et manque de lucidité sur sa propre signification.

Nous admettons, bien entendu, que les idées contradictoires sont nécessaires dans toute révolution, dans toute mutation sociale. Il est aussi nécessaire d’avoir un ensemble d’idées cohérentes adopté par la collectivité pour éviter des crises profondes dues, par moments, à des avatars de contradiction fallacieuses non tenables. Un mouvement révolutionnaire peut facilement basculer dans une crise profonde lorsque les façons de pensées poreuses, sans le maillage des intelligences, envahissent les masses critiques partisanes, idéologiques ethniques et/ou communautaires. Les façons de penser spontanées, animées par des tendances partisanes ou des réflexes non rationnels, surtout lorsqu’elles sont portées par des « intellectuels », sapent la cohésion sociale.

Dr El Hadji Séga GUEYE, sociologue et enseignant universitaire
Responsable du pôle formation du Moncap Diaspora (Pastef)

 

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