Jeudi Noir N°100 : Passer le cap du Covid-19 et créer les conditions d’une renaissance du continent africain
Nos destins sont liés et l’argent ne sauvera personne, nous dit si violemment le COVID19 ! C’est le moment donc pour une remise des pendules à l’heure ! Nous terminons par ce numéro la chronique des Jeudis Noirs (JN) et je rends grâce à Dieu de m’avoir permis de présenter les cent numéros, tous (ou presque) confortés par les événements. Je vous laisse les revisiter pour constater avec le recul leur valeur ajoutée au vu des faits à posteriori. C’était le but recherché.
Je vous inviterais à relire les JN 69, 79, 80, 85 et 86 pour essayer d’en faire une synthèse et trouver le fil conducteur à l’aune des événements qui renversent le monde actuel. Je voudrais vous inviter plus particulièrement à relire le JN 85 qui semblait annoncer… le COVID19 ce 17 janvier 2020 là. Il fallait fuir, mais où ? Je vous avais invité à attendre de voir ce que l’histoire nous en dirait et je vous assure que je n’avais aucune information sur ce qui nous viendrait de Wuhan. Ceux qui ont lu mon livre que l’éditeur a maladroitement classé dans la rubrique autobiographie, avaient sans doute bondi quand est survenu le printemps arabe moins d’un an après. J’y avait indiqué la « futilité » de la cause, l’ampleur de la crise et les moyens de propagation par les réseaux sociaux. En wolof on dit « maggum waxonako moo gueun maggum xamoonako », sant Yalla !
Aujourd’hui aux côtés de mes frères Sénégalais et du monde, nous combattons le sras-cov2 de toutes nos forces et sans états d’âme, mais nous devons préparer demain. Car l’avant covid19 c’est déjà hier, le passé. Les sommités du monde économique, de la stratégie, des sciences sociales prédisent un nouveau départ plus humaniste pour certains, plus autoritaire pour d’autres. Chacun présente des arguments : Ici on évoque des nécessités vitales considérant le monde comme un tout qui se tient intimement, là on présente plutôt un nouvel ordre mondial présentant davantage une volonté de maitrise du monde.
Je voudrais rappeler certains faits que je présenterai volontairement « en vrac », pour solliciter votre intuition. Car bon gré mal gré les prédictions restent toujours un peu une affaire de … boule de cristal. Les experts sont toujours plus à l’aise pour traiter les faits ex post qu’ex ante (après les faits qu’avant les faits). Ainsi je vous livre des faits : les 10 hommes les plus riches du monde parmi lesquels par ordre décroissant Jeff Bezos (Amazone), Bill Gates (microsoft), Bernard Arnault (LVMH), Waren Buffet (Berkshire Hathaway), Armancio Ortega (Zara) ont une fortune commune plus importante que le PIB des 85 pays les plus pauvres au monde mis ensemble (le Sénégal y est inclus). On estime ces fortunes à plus de 858 Milliards de dollars américains (référence Learn Bonds). Ces dix personnes pourraient donc théoriquement nous acheter, oui, avec tout ce que nous possédons y compris nos terres. Selon le même raisonnement ils pourraient acheter la Belgique, ou la Suisse, ou l’Autriche, ou encore la Norvège. Tout aussi choquant, Jeff Bezos seul a une fortune supérieure au PIB du Maroc, et Bill Gates à celui de l’Equateur. Les moyens de ce dernier dépassent trois fois le PIB du Sénégal ! En outre 1% de la population mondiale détient deux fois la richesse de 90% de la population mondiale. Autant de faits incompréhensibles pour l’esprit d’un homme mais qui peuvent éclairer sur l’effet possible de cette puissance sur des cerveaux d’humains.
OXFAM rapporte pour s’en désoler que Bill Gates après sa démission de Microsoft et son engagement dans la santé et l’humanitaire a doublé sa fortune. Jeff Bezos quant à lui a fait progresser sa fortune de plus de 24 milliards de dollars la portant à 140 milliards de dollars entre le début de la pandémie covid19 et maintenant, dépassant du double la fortune de Mark Zuckerberg (facebook) selon le Bloomberg billionaire index. Pourtant à titre de comparaison le Mansa Moussa ayant dirigé l’empire du Mali entre 1312 et 1337 détenait l’équivalent de la moitié de l’or de la planète selon le British Museum. Il impressionnait par sa générosité débordante lors de ses voyages en caravane vers la Mecque et au Caire. Sa richesse était évaluée à 400 milliards de dollars en valeur actualisée. Il apparaît donc clairement qu’une minorité détenant une forte puissance matérielle tient le monde aujourd’hui. Contrairement à la richesse du Mansa Moussa qui en tant qu’empereur la partageait avec son peuple et d’autres peuples, ici il s’agit d’une thésaurisation grandissante, d’une course à la puissance individuelle.
La crise financière et économique que j’avais rapportée et qui allait naître vers 2021, issue de l’effondrement de la bulle financière créée par les spéculations sur les dettes mondiales elles-mêmes soutenues par le principe boursier de « quantitative easing », c’est encore le terrain de jeu de ces puissants par le truchement de leurs sociétés financières et de leurs réseaux de sociétés cotées en bourse. Quand on croise ces informations avec la crise pétrolière commencée depuis 2005 depuis l’arrivée du pétrole de schistes des USA très vite monté à 70% de la production mondiale (données du GTK de Finlande) grâce à des emprunts monstres participant à ce qui a été appelé « l’orgie des dettes » , devenues insoutenables, quand on y ajoute enfin la guerre commerciale USA-Chine qui a atteint un pic de tension en 2019, l’on pouvait s’attendre à quelque chose…
Désormais deux Nobel scientifiques, l’un Français, l’autre Nippon affirment sans hésiter que ce Sras cov2 a été créé ! A quelles fins précises et par quels réseaux ? On y verra plus clair, mais, me direz-vous, que deviendra le monde après cette pandémie ? Bill Gates nous annonce qu’il s’agit du début d’une série de pandémies, what ? D’où tient-il ces informations ? Il faudrait qu’il nous explique peut-être.
A mon sens nous ne devons pas nous attarder sur ce que feront les occidentaux. Nous devons plutôt nous concentrer sur ce que nous devons faire, nous Africains. L ‘Afrique n’a pas les moyens actuels de s’imposer mais elle doit faire preuve de stratégie et de méthode. Demander l’annulation de ses dettes n’est pas opportun pour plusieurs raisons. La première est que les créanciers sont eux-mêmes dans la nasse et cherchent à sauver leurs peaux. La Chine qui à elle seule détient la majorité de nos dettes publiques ne participe même pas aux débats. Voilà pourquoi seul le FMI s’est engagé et uniquement pour des rééchelonnements, c’est tout. Non l’Afrique doit d’abord utiliser toutes ses ressources possibles, y compris en s’endettant encore, pour sortir de ce guêpier car le système est encore l’ancien système mondial précovidien. Elle devra dès la sortie de crise poser ses conditions, crânement, sans accepter d’aller dans un schéma favorisant les autres. La conférence de Berlin qui nous avait partitionnés à partir des cartes de Bismarck en 1884 en moins de cinq mois de discussions entre occidentaux eurocentristes, elle doit être repensée par les Africains. Non pas qu’il faille reconstituer les empires, comme celle du Mansa Moussa, mais il reste souhaitable d’envisager des fédérations d’États mettant en commun leurs moyens dans tout ou partie des domaines de souverainetés.
Le président Kagame a dit il y a peu : on ne peut comprendre que des gens impriment du papier chez eux et nous les vendent en échange de nos richesses, sauf à faire preuve d’une grande naïveté ! Il faut revoir tout le système. L’Afrique est forte de ses intelligences dans le monde, de la jeunesse de sa population et de ses ressources naturelles. Il nous manque la cohésion entre Etats et le leadership. Ce n’est donc pas la problématique de la dette qui est en jeu mais bien TOUT le système financier et politique qu’il faut impérativement reconstruire. Nous devrons préparer nos hommes pour cette négociation et avoir une stratégie. Il ne s’agit pas d’une course de positionnement individuel pour des dirigeants, il s’agit de l’Histoire africaine qu’il nous est donné de construire avec un grand C. Nous ne manquons pas de penseurs, philosophes, économistes, et de stratèges en Afrique et dans le monde, qu’il nous faudra mobiliser. C’est le prix à payer pour nous extirper de près de six cents ans de domination par les autres. Nos chefs d’Etat, s’ils passent ce cap, et je le leur souhaite vraiment, n’auront qu’une seule alternative : être à la hauteur de la grande Histoire de l’Humanité, créer les conditions d’une renaissance du continent et répondre aux énormes aspirations de la jeunesse africaine.
Bruno d’ERNEVILLE/ Président du Parti pour l’Action Citoyenne. Administrateur de société.