jeudi 25 avril 2024
Kaddud Ndawi Rewmi

Covid-19 et retour à l’école : quelles résiliences ?

Le bal est ouvert, c’est la valse des plumes. Depuis l’annonce du gouvernement du Sénégal pour un retour à l’école le 02 juin 2020 dernier, différentes approches ont été proposées pour faire revenir à l’école les élèves en classes d’examens et l’ensemble du personnel.

Avant d’aller plus loin, un petit rappel s’impose. C’est le 02 mars 2020, que la Covid-19 s’est introduite au Sénégal, poussant le gouvernement à prendre des mesures drastiques pour freiner la propagation du virus. Parmi ces dernières, on peut citer la fermeture brutale des écoles dès le 14 mars 2020, alors que le pays ne comptait qu’une vingtaine de cas de contamination.

Suite à la décision de fermer les écoles, le Ministre de l’Éducation nationale a, lors d’une émission sur I-Radio le 10 avril 2020, annoncé la mise en place de la plateforme « apprendre à la maison », pour assurer la continuité des enseignements à distance. La plateforme a pour vocation de mettre à la disposition des élèves et des enseignants, des documents numériques, audio et vidéos, à travers le site internet du ministère de l’éducation nationale, en partenariat avec la Radiodiffusion Télévision Sénégalaise (RTS), et les radios communautaires.  

Cependant, avec la fracture numérique existante, comment peut-on imaginer un enseignement à distance effectif, au Sénégal, sans pour autant accroître les inégalités ? Les dispositions pour la réussite d’une telle initiative sont loin d’être en place. Entreprendre un tel programme, voué d’avance à l’échec, constitue une rupture du principe d’équité, un des piliers du PAQUET (Programme d’Amélioration de la Qualité, de l’Équité et de la Transparence). En réalité, la continuité des enseignements à distance est un fantasme auquel le gouvernement est seul à y croire. Sinon, pourquoi insister pour une reprise des cours dans les salles de classe ?



On avance les yeux bandés, on mime l’ancienne puissance coloniale, on suit son agenda, on tâtonne, et, le 26 mai 2020 les sénégalais assiste au couronnement de l’incompétence. L’échec du convoyage des enseignants ensardinés au terminus liberté 5 puis entassés dans des bus en direction de leurs lieux de service ; sans le respect des mesures barrières, encore moins de la distanciation sociale, a provoqué la contamination d’une dizaine d’enseignants, poussant ainsi le gouvernement à repousser une nouvelle fois la reprise des cours à une date ultérieure.

En dehors des défaillances constatées, Cette pandémie du COVID-19 a permis de révéler au grand jour toutes les tares de notre système éducatif. Elle met à nu la crise systémique profonde que traverse l’école sénégalaise depuis des décennies.

Cette situation est caractérisée par un manque criard d’infrastructures scolaires adéquates, ce qui rend la possibilité de faire des cours pendant l’hivernage difficile. On compte aujourd’hui plus de 6000 abris provisoires et des établissements scolaires dans un état de délabrement avancé. À cela s’ajoute un déficit du personnel enseignant : 3,5 millions d’élèves pour près de 100 mille enseignants, avec comme principale conséquence des classes surchargées entre 60 et 90 élèves.

L’école sénégalaise est une école qui a été figée dans le temps. Avec des programmes scolaires inadaptés et aux antipodes des besoins et réalités du pays, l’école tarde à prendre le virage du numérique et l’éducation aux technologies de l’information et de la communication (TIC). Faut-il aussi préciser que le quantum horaire fixé chaque année n’est jamais atteint. En effet, si l’on sait que le quantum pour l’année scolaire 2019/2020 est de 1296 heures, on est certain de ne pas l’atteindre, à l’image des années précédentes qui tournent entre 600 et 700 heures de cours effectifs.

Malgré les difficultés et les manquements successifs constatés dans la gestion de la crise scolaire par le gouvernement, l’hypothèse d’une année blanche doit être l’ultime recours.

Dès lors, plusieurs scénarios sont possibles et envisageables pour sauver l’année scolaire 2019/2020. Nous en avons élaboré deux. Chacun avec ses avantages et ses inconvénients.

Scénario 01 

  • Organiser la reprise des cours et les révisions à partir du 22 ou 29 juin au plus tard jusqu’au 31 juillet 2020 pour les classes d’examens. Programmer les examens à partir du 05 août, sur la base du programme arrêté avant la fermeture des écoles.
  • Valider le premier semestre pour les classes intermédiaires. Déterminer par les comités pédagogiques ou conseils de classe, les élèves qui ont le niveau et qui sont susceptibles de passer en classe supérieure.

Les avantages : Ce scénario permet d’éviter un empiètement sur l’année scolaire 202/2021 ; il permet également aux élèves qui souhaitent poursuivre leurs études à l’étranger, de pouvoir finaliser leurs procédures de pré-inscription.

Les inconvénients : Il défavorise les élèves qui habitent en zones très pluvieuses ou à risques d’inondations. Par conséquent, il crée une inégalité des chances entre les candidats. Le risque de contamination demeure toujours, car l’épidémie n’est pas encore maîtrisée. Le manque de sérénité des élèves, qui sont partagés entre la peur d’être contaminés et le désir de réussir leurs examens, peut constituer un facteur handicapant qui peut avoir un impact négatif sur les résultats des examens. Le manque de garanties pour une reprise dans les normes, constitue une grande inquiétude chez les acteurs de l’éducation. Après trois mois sans cours, il sera extrêmement difficile, voire une prouesse, de remettre totalement les élèves dans le bain pour préparer les examens dans de bonnes conditions. Nous ne serons pas surpris de voir un taux d’échec record si ce scénario venait à être appliqué. La rupture du principe d’équité est une violation des droits fondamentaux des citoyens et ne fera qu’accentuer les inégalités sociales déjà existantes.

Scénario 02 :

  • Organiser la reprise des cours à partir du 01 octobre jusqu’au 30 novembre 2020 pour TOUTES LES CLASSES, sur la base de 36 heures par semaine, donc 288 heures au total des deux mois de cours.
  • Programmer les compositions et les examens à partir de début décembre. Démarrer l’année scolaire 2020/2021 le 05 janvier 2021 et finir en fin juillet (7 mois de cours), en faisant abstraction de certains points non essentiels du programme.

Les avantages : permet d’organiser la reprise des cours pour tous les élèves et le personnel dans le calme et la sérénité. À cette date, l’épidémie sera probablement maîtrisée. Au pire, on aura une vision plus claire sur son évolution, et le ministère de l’Éducation nationale aura assez de temps pour préparer la reprise avec la mise en place effective du dispositif de riposte. Ce scénario permet aussi une continuité du programme et garantit une égalité des chances entre les candidats aux examens.

Les inconvénients : ce scénario va empiéter sur l’année scolaire 2020/2021. Il y’aura donc un chevauchement des deux années académiques. Il empêchera également aux élèves qui souhaitent poursuivre leurs études à l’étranger de pouvoir finaliser leurs démarches. Le risque de décrochage des élèves comme des enseignants est important.

 

Solutions pour l’avenir

Si L’éducation est la base et le fondement de toute nation qui aspire à un développement structuré, alors le destin d’un peuple dépend de l’éducation qu’il reçoit. « L’éducation est un passeport pour l’avenir, car demain appartient à ceux qui s’y préparent dès aujourd’hui. » disait Malcolm X.

Pour résoudre les problèmes que l’école sénégalaise rencontre depuis des décennies, il est nécessaire de commencer par Résorber le gap d’infrastructures scolaires manquantes ; une condition sine qua non pour bâtir un système éducatif solide et tourné vers l’avenir. De même, il est aussi essentiel de Rénover et de moderniser les infrastructures existantes.

On ne peut fonder une école de qualité sans infrastructures modernes, on ne peut non plus faire une école sans un un nombre suffisant d’enseignants. C’est pourquoi il est urgent de Résorber le déficit du personnel enseignant et revaloriser la fonction.

Ce monde moderne, dominé par le numérique et les technologies de l’information et de la communication, et bientôt par l’intelligence artificielle, doit pousser l’école sénégalaise à évoluer dans ce sens, si elle ne veut pas être larguée par ce grand mouvement du 21 e siècle. Pour y remédier, Il est donc nécessaire d’enclencher, sans plus tarder, le virage numérique que nous impose le nouveau monde.

Pour une école sénégalaise, qui répond aux besoins et attentes du pays, il faut sortir du mimétisme post-colonial et adapter les programmes scolaires aux besoins du marché de l’emploi et à nos réalités sociales et historiques. 

Commission Éducation Nationale
Mouvement National des Cadres Patriotes (MONCAP)


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