dimanche 13 octobre 2024
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Coronavirus: Le retour de l’histoire? (Par Bassirou Kébé)

Mondialisation, symptômes, impacts, face à la plus grande crise du système économique néolibéral (2007-2020).

Alertes et symptômes récents d’un système économique malade.

Dès le dernier semestre 2019, des économistes alertaient déjà sur l’arrivée d’une vague de récessions annoncée par une baisse significative des échanges mondiaux. En clôturant l’année 2019 avec un taux de croissance économique à 2,4%, taux le plus bas depuis la crise financière de 2007 – 2008, l’économie mondiale ne se présentait pas dans sa meilleure forme pour aborder 2020.

En 2008, la crise des Subprimes avait frappé en plein cœur l’économie mondiale qui n’avait pas autant souffert depuis le crash boursier de 1929. À ce jour, les séquelles laissées par cette crise financière sur le monde restent marquantes.

Ce cataclysme financier a mis la lumière sur les pratiques spéculatives et catastrophiques des banques et des marchés financiers. En effet, animées par un excès d’optimisme, les institutions financières américaines vont prendre le pari risqué de miser sur une bulle immobilière en donnant accès aux crédits immobiliers à des ménages peu solvables (les crédits subprimes). Toute cette stratégie pour relancer l’économie était basée sur un élément déterminant : le marché immobilier. Contre toute attente, en 2007, le marché immobilier américain va s’effondrer entraînant dans sa chute les ménages et l’ensemble des acteurs financiers.

Mais la crise ne s’arrêtera pas au territoire américain, elle traversera l’atlantique et nous assisterons rapidement à une contagion mondiale : la crise financière se transformera rapidement en crise économique et bancaire déstabilisant les marchés et amenant des conséquences désastreuses sur un grand nombre de pays.

Par exemple, les politiques d’austérité d’après-crise imposées à la Grèce ont fait passer le chômage de 7,4% à 26,1%. Dans les cinq années qui ont suivi la crise, la Grèce a expérimenté les congédiements dans la fonction publique, le gel des salaires et des retraites, la diminution drastique des prestations sociales etc.

Dans toute l’Europe et ailleurs, des gouvernements soumis aux institutions financières internationales ont entrepris un dépeçage en règle des acquis sociaux en procédant à des réformes dans tous les secteurs (retraites, marché du travail, santé, éducation etc.)

Non immunisés face au coronavirus, comment la mondialisation nous laisse-t-elle sans défenses face aux crises?

Aujourd’hui, face à la pandémie du Coronavirus, nous constatons que lorsque l’économie de marché est la seule boussole de l’activité économique, nous sommes plus que vulnérables face aux grandes crises et catastrophes économiques, sanitaires et environnementales.

Il faut oser le dire, la santé, comme l’éducation d’ailleurs, ont été délaissées dans beaucoup de pays au profit de l’intégration à la mondialisation libérale.

Le virus, parti de Wuhan en Chine, a atteint tous les continents et touche aujourd’hui plus de 150 pays à travers le monde. Il a surtout mis en exergue les faiblesses structurelles des pays qualifiés de puissances mondiales en remettant ainsi en question leur hégémonie.

L’exemple du vieux continent, l’Europe, devenu à ce jour l’épicentre de la pandémie, est parlant et révélateur des désastres dans les politiques ultra libérales des dernières décennies.

Face aux critères budgétaires édictés par le traité de Maastricht, les pays européens, ont abandonné une grande partie de leur souveraineté à une Union Européenne technocratique et libérale à souhait. Ils ont sacrifié leurs peuples sur l’autel du ridicule seuil du déficit budgétaire à 3%, par exemple, qui les a poussé à réduire de manière irresponsable les moyens des secteurs de la santé, de l’éducation, de la sécurité etc. Les Etats se sont soumis à des injonctions qui ont complètement annihilé les capacités de leur service publiques.

Cette succession de décisions dangereuses, n’est pas sans rappeler le pari risqué pris par la puissance américaine ayant conduit à la crise des subprimes : les pays entraînés dans cette course au libéralisme ont accepté de risquer un des piliers fondamentaux de leur société : la santé. Ainsi ne tirant pas les leçons du passé, et ignorant les signes, ces États se sont jetés dans la gueule du loup, misant sur le libéralisme et priant pour que le sort leur soit favorable. Mais un tel pari ne pouvait rester sans conséquences, les organes vitaux de ces sociétés se sont affaiblis d’année en année pour devenir vulnérables et exposés.

Prenons l’exemple de la France, dont le système de santé alerte depuis déjà des années sur la situation désastreuse : le secteur, asphyxié par le poids des réformes et coupes budgétaires, est incapable de se maintenir à flot.

L’arrivée du Coronavirus a mis la lumière sur 30 ans de destruction du système de santé, à coups d’injonction de traités plus libérales les uns que les autres. Cette épidémie a révélé au grand jour la faible capacité d’accueil des hôpitaux français, le manque effarant de tests pour le virus, et surtout l’absence de réactivité face aux besoins urgents d’équipements sanitaires tels que les masques ou encore les gels hydro alcooliques. C’est un gouvernement désemparé et non préparé qui paye aujourd’hui le prix de sa politique et de celles de ses prédécesseurs, se reposant aujourd’hui sur un personnel médical non armé et engagé dans une bataille sans précédent.

Un autre constat accablant est celui de l’Italie qui subit également les effets désastreux de la fermeture progressive des ses industries pharmaceutiques et d’équipements sanitaires tout au long de ces 30 dernières années. Le confinement total de la population, une pratique du moyen âge comme le dit le Professeur Raoult, contrairement à la pensée générale, est la preuve d’un échec dans le combat de ces pays face au virus, c’est un symptôme du manque de préparation et du désoeuvrement des gouvernements.

Sortir du coma et faire du coronavirus une opportunité pour tout changer.

Face à la propagation de cette pandémie, la souveraineté des Etats a repris ces droits. Les mesures d’urgence prises dans les pays affectés doivent nous apprendre plusieurs leçons. Nous avons vu plusieurs stratégies apparaître pour lutter contre le Coronavirus, chaque pays en fonction de sa politique, de ses capacités, de ses réalités et surtout de ses intérêts.

Ce monde qui brandit fièrement le blason du capitalisme absolu est-il un monde viable ? Nos puissances économiques actuelles n’ont-elles pas sacrifié bien trop, nous laissant affronter cette catastrophe épidémique sans armes et sans recours ?

La mondialisation, ce doux concept du toujours plus, qui nous entraîne depuis longtemps dans une course folle, une course à la surconsommation, aux libres échanges et aux dérégulations risquées est-elle à réinventer ?

Quelles stratégies et opportunités dans ce monde d’après Coronavirus pour les pays en développement comme le Sénégal ?

Nous sommes actuellement malades, les tristes patients d’un monde qui a atteint ses limites et qui doit dire stop. Après la maladie, la guérison signe d’espoir et de nouveau départ, l’occasion pour nous de mettre fin à des années de dérive.

Cette épidémie nous offre une occasion unique de nous remettre en question et d’agir, agir pour ne plus jamais mettre en risque le bien-être de nos populations, pour être à la hauteur des attentes de nos peuples et surtout pour repenser nos politiques. Faisons de cette période non pas la période du Coronavirus mais la période du changement, la période des nouvelles identités, l’ouverture vers une nouvelle une nouvelle ère : l’ère de la Politique, la Vraie.

Bassirou KEBE
Membre du Mouvement des Cadres de PASTEF

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