dimanche 1 décembre 2024
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Chronique d’une récession quasi inévitable pour le Sénégal ?

Le Sénégal déjà fragile, risque d’être durement frappé par les conséquences économiques de la pandémie du Covid-19.

Si l’on prend appui sur une récente analyse de DSK (avril, 2020), on peut noter que la crise sanitaire que nous vivons est différente de toutes celles que les générations précédentes ont pu connaître. Bien que la peste noire de 1347-1353 et la grippe Espagnole de 1918-1919 nous aient déjà donné une idée des conséquences de la pandémie actuelle, elles ne nous apprennent que très peu sur la capacité de résilience d’une économie mondialisée qui a complètement occulté les risques infectieux.

« C’est un peu mon mea-culpa… Mais je crois que je n’avais pas forcément réalisé l’impact globale de l’épidémie en cours ». Confesse Michel Legeas, enseignante-chercheuse à l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP). Elle n’est pas la seule à avoir minimisé la pandémie. En effet, de nombreux scientifiques ont comparé à tort, le Covid-19 à la grippe saisonnière, à la grippe A H1N1, ou encore à la grippe A H5N1.

Une paralysie collective a d’ailleurs saisi la communauté internationale. La preuve, les Etats-Unis ont renoncé à leur rôle de leader comme l’a souligné Thomas Gomart au travers d’un article publié dans « Le Monde ». Selon M. GOMART : « l’absence de leadership des Etats-Unis est inédite : C’est la fin du multilatéralisme tel qu’on l’a connu depuis des décennies ».



Cette situation provoque un choc qui se traduit par une envolée du chômage partout dans le monde. Aux États-Unis par exemple, il n’aura fallu que 3 semaines pour que 17 millions d’Américains se retrouvent au chômage, soit 10% de la population active. Idem pour le Canada avec près de 3 millions d’inscrits au chômage en 15 jours. En Grande Bretagne, un million de nouveaux demandeurs d’emploi a été enregistré entre le 16 et le 31 mars. En Europe, plus d’un million d’espagnols ont déjà perdu leur emploi. En France, l’INSEE estime qu’un mois de confinement devrait coûter trois points de PIB soit environ 75 milliards d’euros.

Aucune zone économique n’est épargnée. Nous assistons à un coma organisé à l’échelle mondiale.

Qu’en est-il des pays de l’Afrique Subsaharienne ?

Si l’on avait prédit il y’a deux mois que les sénégalais n’auraient plus la possibilité de sortir de leur domicile entre vingt heures et six heures du matin, qu’il serait impossible d’aller faire sa prière du Vendredi, de voyager, de se serrer la main, l’aurions-nous cru ?

Malheureusement cette situation n’est certainement rien au regard de ce qui nous attend.

La pandémie s’annonce en effet catastrophique pour les pays les plus fragiles. Selon une récente publication de la Banque Mondiale, plus précisément celle du 8 avril 2020, la catastrophe économique tant redoutée en Afrique subsaharienne aura bien lieu.

Nous risquons en effet de connaitre une récession se situant autour de 2% voire 5%, en 2020. C’est du jamais-vu depuis 25 ans !

Ces prévisions, plus que pessimistes, vont à l’encontre de celles annoncées par notre gouvernement dans son « Programme de Résilience Economique et Sociale », qui table sur une croissance du PIB à 2,8%.

Il s’agit là, d’un choc violent qui risque d’avoir de graves conséquences aussi bien sur le tissu industriel déjà fragile que sur les ménages.

Il faut noter par ailleurs, qu’il existe une différence structurelle majeure entre la crise actuelle et les crises précédentes.

Pour emprunter les termes de DSK à titre d’exemple, la récession que nous apprêtons à vivre est particulière en ce qu’elle « mêle un choc de l’offre et un choc de la demande ».

Il sera ainsi difficile, voire impossible d’éviter les conséquences du choc sur l’offre d’emploi à cause notamment du ralentissement de l’économie mondiale, y compris au Sénégal.

Les difficultés qu’auront nos entreprises à s’approvisionner en matières premières se traduiront par une chute brutale de la production.

Ainsi, une attention particulière doit être portée aux risques liés à cette crise dont les conséquences seront forcément perceptibles par nos entreprises présentant une fragilité financière.

Baisse de production, licenciements de masse, voire des dépôts de bilan sont autant de risques auxquels elles s’exposent.

Plusieurs causes seront à l’origine du choc sur la demande. La baisse de revenus d’une bonne partie de nos concitoyens, va fortement faire chuter la consommation.

Comme les dépenses des consommateurs constituent les revenus des entreprises, la demande affaiblit encore.

« C’est le cycle de vie bien connu de la récession ».

Il est important de rappeler que les deux principales sources de revenus d’un pays sont les recettes fiscales et les emprunts d’Etat.

Cette récession mondiale annoncée, va doublement nous impacter.

L’absence de rentabilité des entreprises et un licenciement de masse conduiront à une baisse importante des recettes fiscales.

De plus, les annulations de dettes fiscales annoncées par le gouvernement dans le cadre du « Programme de Résilience Economique Sociale », risquent d’aggraver la situation du pays.

Cette exonération ne doit pas en effet, inclure les collectes de TVA et d’impôts prélevés sur les salaires à titre d’impôt sur le revenu, que les entreprises doivent verser à l’Etat.

En ce qui concerne les emprunts d’Etat, l’agence de notation Moody’s, nous a attribué la note de « B1 » et Standard & Poor’s « B+ ». Ces notes correspondent à une qualité d’emprunt spéculative, donc risquée. Elles seront fortement dégradées en cas de récession entraînant des difficultés à emprunter sur les marchés financiers, ou d’accepter de payer le coût du risque avec des taux d’intérêts extrêmement onéreux.

Aussi, les pays occidentaux qui nous prêtaient, auront fort à faire avec leurs propres problèmes, même si le président Emmanuel Macron a exhorté les créanciers des pays africains à une annulation massive de la dette.

Il a finalement obtenu un moratoire sur la dette au niveau des créanciers bilatéraux pour 12 milliards et des créanciers privés pour 8 milliards, soit un total de 20 milliards de dollars.

Dans ce cadre, le Fonds Monétaire International a alloué une partie du « fonds fiduciaire d’assistance et de riposte aux catastrophes » à l’allègement de la dette de 25 pays africains. Rappelons que le Sénégal n’en fait pas partie. Cette aide se fera sous forme de don, qui permettra de couvrir 6 mois d’échéances de la dette envers le FMI.

Notre dette publique représente 63% du PIB, et nous devrions rembourser cette année plus de 300 milliards de francs CFA, uniquement au titre des intérêts de la dette.

C’est cette simultanéité des chocs qui risque de rendre la situation exceptionnelle et dangereuse pour notre pays.

Le programme de résilience économique, notamment la Force-Covid-19 de Mille milliards de francs CFA, sera-t-il en mesure de fausser ces prévisions ?

Serigne Maye AMAR
Ingénieur Financier


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Homonyme
Homonyme
4 années il y a

Très belle chronique monsieur l’ingénieur financier. J’apprécie particulièrement votre prise de recul par l’extrapolation à la fin de cette chronique. Tout pourra dépendre de la qualité de gestion de la Force covid-19 mise en place par l’Etat.

Serigne Amar
Serigne Amar
4 années il y a
Répondre à  Homonyme

Merci frangin

Diop
Diop
4 années il y a

Bjr serigne
Ton tableau est noir. Mais il est l’image de la situation du pays et du monde.
Il faut donner des perspectives, des voies de sortie et de mesures de résilience.
Cheikh mbacké diop
Ton ancien camarade de collége

Serigne Maye Amar
Serigne Maye Amar
4 années il y a
Répondre à  Diop

Bonjour Cheikh Mbacké
Le tableau est en effet sombre, mais il reflète hélas la situation actuelle.
Je suis entrain de travailler sur des pistes de réflexion pour mieux anticiper une éventuelle récession.
Bien à toi

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