mercredi 24 avril 2024
Contributions

Bradage irresponsable de la berge du fleuve Casamance à Kolda

 

Depuis quelques jours, le débat sur l’érection d’une station d’essence dans la berge du Fleuve Casamance fait débat. La société civile cherche à situer les responsabilités des autorités locales quant à l’autorisation qui a été donnée à la société en question d’installer un tel projet sur le nid du fleuve, tout en connaissant les conséquences sur le plan environnemental mais aussi sur le risque de disparition complète du cours d’eau si de tels pratiques finissent par se généraliser le long du domaine public fluvial qui faisait jadis la beauté de la ville de KOLDA. 

Pour venir à bout de leurs interrogations, un collectif pour la Sauvegarde et l’Aménagement du Fleuve Casamance(SAF) s’est rapproché de la Mairie de Kolda pour une demande d’explication. En retour, ce dernier leur a fait comprendre qu’il n’était ni de près, ni de loin mêlé à cette  opération et qu’il adhérait à leur volonté de faire cesser ce projet vu le danger qu’il peut constituer pour l’écosystème Koldois surtout quand on sait combien les stations d’essence polluent au Sénégal. Le Président du conseil départemental a été saisi dans le même sciage et la même réponse a été servie à la société civile. Aujourd’hui, face à cette fuite de responsabilité des élus locaux et en considération de l’ignorance des procédures domaniales par les populations, le préfet est indexé comme supposé responsable de cet acte irresponsable et indigne de citoyens soucieux du bien-être de leur concitoyen et du développement de leur région.

Nous tenterons dans cet article d’apporter des éclaircis sur la procédure domaniale en matière d’occupation du domaine public fluvial afin d’aider nos frères à bien situer les responsabilités sur cette affaire et à ne pas se faire manipuler par les autorités locales. Il convient de préciser que le lieu qui abrite la station tant décriée appartient au domaine public fluvial car il est installé dans le nid même du fleuve comme décrit supra.

La règle de l’inaliénabilité du domaine public ne s’oppose pas à ce que l’Etat concède à des particuliers sur les dépendances de ce domaine des droits privatifs de jouissance lorsqu’ils ne sont pas incompatibles avec sa destination. Au terme de l’article  11 du code du domaine de l’Etat (CDE) « le domaine public peut faire l’objet de permission de voirie, d’autorisation d’occuper, de concession et d’autorisation d’exploitation ». Toutes ces autorisations représentent des modes de jouissance exceptionnelles qui confèrent à l’investisseur un privilège sur la généralité des citoyens. Un des caractères principaux de ces autorisations est qu’ils sont temporaires, précaires et révocables (tolérée tant qu’elle est compatible avec les droits du public et doit être supprimée dès que l’intérêt général s’oppose à son maintien).Le bénéficiaire n’acquiert donc aucun droit réel sur le domaine public.

Dans le cadre du domaine public fluvial (DPF), seule une autorisation d’occuper peut être délivrée et les occupations sans titre ou au-delà des limites des droits d’usage conférés sont interdites. La délivrance des autorisations d’occuper requiert la collaboration des services compétents pour fixer les conditions techniques alors que les conditions financières sont tracées par la direction des domaines.

La procédure d’attribution des autorisations d’occuper le DPF (qui est notre cas) fait intervenir le conseil départemental territorialement compétent en application de la loi portant transfert de compétence. Autrement dit, c’est le conseil départemental qui reçoit les demandes d’attribution pour les intéressés et constitue l’organe local délibérant en matière de DPF et non la Mairie qui accueille le site.  Par la suite, la lettre de demande est adressée au chef du bureau des domaines et celle-ci précise la nature du projet envisagé ainsi que le lieu de situation de la parcelle objet de la demande d’autorisation. L’instruction préliminaire se déroule comme suit :

  • Consultation des services techniques : le cadastre est consulté pour la précision sur la superficie, la localisation et la nature juridique de la parcelle ;
  • L’urbanisme est consulté pour la conformité du projet envisagé avec l’orientation du plan du secteur de l’urbanisme et l’étude d’impact environnemental ;
  • La visite des lieux, l’organisation d’enquêtes commodo incommodo (pour étudier l’impact environnemental et l’adhésion des populations au projet) sanctionnées par un procès-verbal doit être organisé par les soins du chef du bureau des domaines compétent  afin de constater l’état d’occupation de la parcelle et d’identifier les occupants potentiels.
  • Le dossier composé des avis des services techniques ci-dessus et du rapport du chef du bureau des domaines est ensuite transmis au directeur des domaines, par courrier, qui procède à une vérification formelle du dossier suivi d’une étude sur le fond avant de rédiger un rapport à l’intention des membres de la commission de contrôle des opérations domaniales (CCOD) qui seront appelés à se prononcer sur la régularité, l’opportunité et les conditions techniques et financières de la délivrance de l’autorisation.
  • Enfin, le projet d’arrêté élaboré par le Directeur chargé des domaines est soumis au visa du directeur général des impôts et des domaines (DGID) avant d’être transmis au Ministère des finances et du plan pour signature. Le chef du bureau des domaines compétent se chargera alors de le remettre au bénéficiaire après acquittement de la première annuité de redevance et du cautionnement.

Il apparait donc difficile au vu de toute la procédure d’obtention d’une autorisation d’occuper le domaine public fluvial, au-delà des services techniques, de dissocier le président du conseil départemental de Kolda ainsi que le maire de Kolda actuellement Directeur des domaines, de la responsabilité de la délivrance de cet acte à la société qui projette d’installer une station d’essence sur le nid du fleuve. Je me demande vraiment par quel moyen ils peuvent justifier leurs allégations quant à leur non implication sur cette affaire. Jusqu’à même faire croire aux gens qu’ils n’étaient même pas au courant.

D’aucuns prétendent avoir reçu l’information selon laquelle le sol qui abrite le projet appartenait à un privé qui l’a vendu aux propriétaires de la station. A cela nous nous demandons comment ?

Comme développé plus haut, le sol appartient au domaine public fluvial et dans ce cas de figure seules des autorisations d’occuper conformes à l’utilité publique peuvent y être délivrées. Si le sol doit être aliéné, il doit forcément avoir été déclassé pour être immatriculé dans le domaine privé de l’Etat. A cela il faudrait au préalable justifier de l’intérêt d’utilité public d’un tel acte par un plan d’affaire viable. Or , dans notre cas de figure on nous dit que le terrain appartenait à une personne privée qui l’a laissé nu durant tout ce temps et qui l’a vendu au plus offrant le moment venu. 

La question qui se pose est alors comment un terrain sensé  appartenir au DPF peut être déclassé sans aucune justification économique d’intérêt général connaissant tout l’impact environnemental que cela emporte? J’en doute vraiment fort car si c’est le cas ce serait vraiment irresponsable de la part de nos autorités administratives. N’empêche pour plus de vigilance, il faudra se rapprocher du service des domaines  de Kolda pour vérifier, dans le livre foncier, la situation de l’assiette foncière autour de la berge du fleuve Casamance. Il est important aujourd’hui de savoir si les dépendances du fleuve ont été vendues ou non car si c’est le cas cela hypothéquerait grave les chances d’un dragage futur du fleuve du fait de couts d’indemnisation prévisionnels très élevés.

Koldois et Koldoises, cette affaire est plus que sérieuse et nécessite une implication de tous les Koldois. Au moment où dans le monde entier les gens se préoccupent de la préservation des ressources naturelles, de la faune et de la flore, nous à Kolda nos autorités ne se limitent plus à laisser notre fleuve s’assécher sans  rien faire mais s’arrogent le droit de brader son nid comme pour dire nous n’avons cure de sa mort.

Levons nous comme un seul homme et montrons à ces irresponsables que nous sommes prêts à défendre les intérêts de notre chère région si eux n’en sont pas capables face à la corruption financière qui gangrène ce pays.

Le fleuve Casamance ne sera pas l’agneau du sacrifice pour qu’ils se remplissent les poches ! Disons non à ce projet irresponsable contre les koldois et leurs richesses naturelles.

Nous interpellons le Président Macky SALL et lui demandons de venir au secours des populations koldoises face à cette énième forfaiture de leurs autorités administratives.

 

                                                                                                                                          Alioune Badara Sané

                                                                  Responsable politique à Kolda et membre du MONCAP/PASTEF

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