mardi 8 octobre 2024
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Senelec transformée en Holding : Démantèlement et privatisation dans l’indifférence générale (Par Amadou BA)

La hausse du prix de l’électricité n’a pas encore révélé tous ses secrets. Cette hausse cache une crise beaucoup plus profonde de notre Société nationale, qui à l’insu des sénégalais qui en sont les propriétaires, entame une douce mutation vers une privatisation sauvage de grande ampleur. C’est à ce se demander si cette hausse n’a pas été annoncée uniquement pour détourner l’attention des sénégalais sur le démantèlement en cours de la SENELEC. En effet, depuis le 29 Novembre 2019, le Conseil d’administration de la SENELEC a autorisé sa transformation en Holding avec quatre Filiales: Production,Transport, Distribution-Vente et Gaz.

Pourquoi cette nouvelle architecture institutionnelle de l’opérateur d’électricité et cette opération de restructuration, consistant à la scinder en quatre filiales spécialisées?

Il faut d’abord souligner que c’est dans cette perspective de libéralisation que la SENELEC a changé son logo à coup de millions de CFA. Les changements de logo des Sociétés nationales annoncent toujours une privatisation à venir.

Depuis longtemps, la Senelec n’a plus le monopole de la production d’électricité au Sénégal. La production privée d’électricité est apparue au Sénégal avec la centrale de Gti. Elle sera suivie des centrales de Kounoune Power, de Contour Global, des centrales solaires de Bokhol, Malicounda, Santhiou Mékhé qui répondent toutes à l’appellation de production privée indépendante (Ppi ou Ipp en anglais).

En effet, et les sénégalais l’ignorent royalement, la plupart des Centrales solaires, à charbon ou autres inaugurées en grande pompe durant la campagne électorale par l’Inaugurator Macky Sall, appartiennent quasi exclusivement à des entreprises étrangères. Toutefois, toute l’électricité produite par ces unités privées est vendue exclusivement par contrat à Sénélec qui est l’acheteur unique.

Pour formaliser cette diversité de sources de production d’électricité, Macky Sall n’a pas trouver mieux que de libéraliser la commercialisation de l’électricité. Voilà ce qui justifie cette réforme savamment menée par les lobbyistes sénégalais qui entendent s’approprier les plus belles parts du futur gâteau.

En schématisant, la SENELEC aura l’exclusivité de la vente d’électricité aux unités industrielles et aux Professionnels qui consomment de grosses quantités d’électricité. Ces unités sont alimentées en courant à haute tension(Ht). En revanche pour la vente au détail aux usagers domestiques, la fonction technique de branchement et de pose des compteurs est dévolue à Sénélec tandis que la fonction commerciale de relève, de facturation et d’encaissement sera libéralisée. Il y aurait des vendeurs indépendants d’électricité (VIE) pour alimenter au niveau national les ménages et les entreprises. Les compteurs Woyofal ont été exclusivement lancées dans cette optique pour favoriser la future libéralisation du secteur et la mise en concurrence des Vendeurs indépendants d’électricité.

Pour corser ce brouet de sorcière vers la privatisation, la start-up sénégalaise Akilee, le fournisseur de compteurs électriques intelligents à Senelec, est convoitée par le Géant français de l’électricité EDF qui veut rentrer dans son capital. Il ne reste que l’aval du ministre du pétrole et des énergies, Mouhamadou Makhtar,car depuis février la start-up est détenue à 34% par l’État sénégalais via la Senelec.

Plusieurs questions restent en suspends et l’Assemblée nationale ne peut rester indifférente et silencieuse. Qui dit Holding et Filiales, dit en effet ouverture du capital. Quelle sera la part de Senelec dans ses propres filiales? EDF, Gazprom, Engie ou Eni l’italien, les Chinois auront ils le droit d’entrer dans le capital des Filiales ? Une loi oblige t elle le Sénégal a rester obligatoirement majoritaire dans ce secteur stratégique? Quel sera le nouveau statut des salariés ? Comment seront ils ventilés dans les Filiales ?

Autant de questions sans réponse, alors que l’État dispose librement d’une entreprise nationale, bien public des sénégalais dans un déni démocratique effarant.

Les sénégalais espéraient tous qu’avec les importantes découvertes de pétrole et de gaz au Sénégal, Macky Sall allait renforcer la SENELEC pour pérenniser notre souveraineté énergétique dans ce monde en ébullition. Il a décidé de libéraliser ce secteur stratégique pour enrichir cette caste d’hybrides sénégalais qui s’allient avec les entreprises étrangères pour piller légalement les richesses du pays. Au lieu de s’inspirer du modèle de Gazprom qui a redorer le blason économique et politique de la Russie déclinante, Macky Sall, après notre pétrole bradée à Franck Timis et Total, vient de signer la fin du monopole de la SENELEC et sa vente à la criée.

Pendant ce temps-là, les sénégalais restent tranquillement chez eux, dans une couardise et une pusillanimité indignes devant l’emprisonnement de Guy Marius Sagna et compagnie, justement arrêtés pour défendre la cause du peuple victime de la hausse de l’électricité.

PS: ceux qui pensent que cette privatisation pourrait avoir des effets bénéfiques, en réalité, cela permettra à l’État de se délester de sa subvention et donc d’imposer aux opérateurs privés l’application de la vérité des prix. Autrement dit, si le baril monte, les prix vont monter subséquemment et d’une année à l’autre, les consommateurs paieront toutes les variations du prix du baril.
l’État ne subventionne plus un secteur privatisé, soyons en conscients.

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