Report de la réouverture des classes(Habibou BADJI)
Que les autorités étatiques nous disent de qui veulent-elles se moquer ? Pour qui travaillent-elles dans ce pilotage à vue?
Les enseignants savent plus que les autorités étatiques que leur bonne santé leur appartient et ne doivent pas la mettre en danger. Mais est-ce que ces autorités ont joué dans le sens de permettre à ces enseignants de rester dans cette dynamique ? Non.
En effet, la raison principale que ces autorités ont avancée pour justifier la reprise des cours témoigne d’un manque total de respect à l’endroit de la population sénégalaise en général et du personnel enseignant et administratif en particulier. Pour preuve, ce mauvais communicateur du MEN (Mamadou Moustapha DIAGNE) s’est permis de dire dans une émission télévisée 《qu’il faut de façon catégorique écarter l’idée d’une année blanche ou invalide》. Il a soutenu sa déclaration par des arguments enfantins, irresponsables et parfois avec des amalgames inadmissibles venant surtout d’un soi-disant responsable d’une institution de la République aussi importante que le Ministère de l’Éducation Nationale. Il avance l’argument selon lequel 《s’il y a année blanche, le Sénégal perdra 532 milliards car tout est fin prêt pour les examens. Toutes les dépenses sont déjà effectuées》. Il poursuit que 《tous les élèves, en situation de redoublement dans les classes qu’ils font, risquent l’exclusion. C’est pourquoi seuls les élèves en classes d’examen devraient reprendre le chemin de l’école》.
Tout se passe comme si ces milliards valent mieux que tous ces Sénégalais, ces acteurs de l’éducation qui seront impliqués dans cette reprise des cours. Aujourd’hui, même ceux qui étaient moins conscients savent que quelque chose a changé. Les voix des muezzins qui appellent toutes les heures les fidèles à la prières se sont rarifiées, de même que les cloches des chapelles. Les routes qui refusaient de monde ont été désertées à cause du slogan 《restez chez-vous》 ou du 《restez- vigilants》. Les marchés et gares routières, qui ont été fermés, le sont à cause de la COVID-19. L’inquiétude se lie à travers les masques que portent les concitoyens au moment où les cas communautaires grimpent ainsi que le nombre de décès des personnes âgées.
C’est à ce moment précis de la mobilisation des énergies citoyennes contre la maladie que les autorités ont fait montre d’un relâchement qui amène à dire qu’ils pensent peu à la santé, voire à la vie des enseignants, des élèves, du personnel administratif et de tous leurs parents, la carrière même des élèves (qui implique leur niveau) est le cadet de leurs soucis. Quelle honte pour le pays ! Et pour tous ceux qui savent que c’est grâce à l’éducation que la Chine, le Japon, la Corée et tant d’autres pays ont connu ce qui leur permet aujourd’hui d’être cités parmi les pays développés ou émergents.
Dans la mise en œuvre des mesures prises pour une bonne reprise des cours, nous avons constaté des faits qui ne relèvent que de l’amateurisme. Il s’agit entre autres faits du rassemblement des enseignants, faisant le pied de grue, accompagnés parfois de petits enfants entre les mains ou sur le dos et aussi des élèves, tous mis sous un soleil accablant, punis pendant toute une journée et cogitant sur la suite du calvaire qui les attend dans leur lieu de service. Le manque d’organisation, l’insuffisance des bus étaient notoirs. Les bousculades étaient au rendez-vous et les mesures-barrières de distanciation sociale étaient, sur place, tout simplement violées.
A l’arrivée dans les capitales départementales, aucune organisation véritable n’est notée pour acheminer les enseignants jusqu’à leurs localités de travail. À Bigona, par exemple, comme par ironie du sort, le Ministère avait donné l’ordre aux autorités sanitaires de suspendre les tests et de laisser les convoyés rejoindre leurs lieux de service. Cet acte irresponsable est à l’origine de l’existence de cas à Bignona où pourtant la maladie ne s’était pas encore déclarée.
Ce qui est regrettable, c’est qu’après tout ce scénario, les autorités sont revenues sur leur décision de réouverture des classes mettant ainsi les acteurs de l’école à la première rangée des troupes mobilisées dans ce qu’elles ont qualifié de guerre contre la COVID-19. Ce manque de soucis à l’égard de la santé des eneignants laisse croire qu’ils sont considérés comme des chaires à Canon.
Les Sénégalais en général et les enseignants en particulier doivent-ils accepter ces moqueries ? Si oui, jusqu’à quelle limite ? Sinon, quelle réaction adopter pour freiner ce qui pourrait mener le pays vers une catastrophe regrettable, conséquence de calculs inappropriés, inopportuns et du fait de personnes qui avaient proposé aux Sénégalais des lendemains meilleurs ? Aujourd’hui, ces personnes doivent avoir honte si toutefois ce genre de sentiments faisait partie de leur cœurs après avoir bénéficié de la confiance de plus 58 pourcent des suffrages des élections présidentielles du 24 février.
Aujourd’hui, après avoir disséminé la maladie partout par le convoyage des enseignants, l’appel au patriotisme est lancé, demandant aux collègues ayant rejoint leurs localités de services avec toutes les humiliations inimaginables de se signaler pour que les services de santé les trouvent sur place afin de leur faire subir des tests. Et pourquoi le dépistage n’a pas été réalisé sur place avant embarquement? Comme toujours, un gouvernement de précipitations et de pilotage à vue.
Des millions dépensés pour rien sans compter le fait d’avoir offert ce corps d’élites au Coranvirus. Tous ces voyageurs dispersés dans les régions, les départements, les villes et les villages du Sénégal, malgré eux, vont certainement vivre le martyr sous le regard des populations qui jusque-là ne faisaient que vaquer à leurs activités économiques, ayant appris, à travers les médias, des informations sur la pandémie d’un virus dont elles ont toutes les difficultés à prononcer le nom. Dans l’attente des vivres, en lieu et place, elles ont reçu le VIRUS. On peut à présent se poser légitimement les questions suivantes : comment les enseignants sont-ils traités dans les localités où ils se trouvent déjà ? Peuvent-ils vivre sans stigmatisation ?
Il est temps que les intellectuels en général et les enseignants en particulier s’éveillent pour s’engager dans les affaires de la cité afin de bien gérer et gérer, de main de maître, notre cher pays et le soustraire des Pays les Moins Avancés (PMA) du monde.
Notre premier engagement devrait être la ferme dénonciation partout où nous pouvons le faire, quand nous le pouvons et de la manière dont nous le permettent les lois du pays.
La prise de conscience et notre engagement doivent être sincères afin que le mal créé soit moins ressenti. Le constat est que les concitoyens commencent à douter de la sincérité des autorités et de leur ferme volonté de combattre l’ennemi dans cette « guerre déclarée » depuis des mois, contre le COVID-19.
Habibou BADJI, Professeur de HG au Lycée Zone de Recasement Keur Massar