Reconstitution d’un crime économique (Par Abdourakhmane Dabo)
Je me suis employé à jeter un regard critique sur les décrets qui ont valu ce que tout le monde appelle aujourd’hui le scandale du siècle. À cet effet, je me suis penché sur les signatures apposées par M. Abdoul MBAYE, Premier ministre au moment des faits, pour en savoir plus.
La réponse servie à mon questionnement sur le rôle joué par M. Abdoul MBAYE me laissait toujours perplexe. La signature de M. Abdoul MBAYE ne serait qu’un témoignage et n’engagerait en rien sa responsabilité.
N’eussent été les invectives du Président Macky SALL lors de son adresse à la nation en ce jour de célébration de l’Eid El Fitr, et sa trouvaille sur fond de fuite en avant portant à dire que : « le pétrole n’était même pas découvert que les uns et les autres parlent de retombées financières », je me ne serais jamais plongé dans cette prospection.
En réalité, cette réaction du Président Macky SALL est tout aussi révélatrice que suspecte dans la mesure où elle justifie amplement son incapacité à se départir de sentiments fraternels au profit d’une prévalence de l’intérêt supérieur de la nation et verse tristement dans l’émotionnel. Ce sont peut-être ces sentiments qui l’ont perdu et orienté dans les caniveaux de la haute trahison.
De toute façon, les prémices de cette réaction malheureuse du Chef de l’Etat étaient perceptibles lors de la conférence de presse de M. Aliou SALL quand il précisait que son frère Macky SALL n’a été au courant de ses connexions avec M. Franc TIMIS que tardivement avant de prédire les prochaines sorties de M. Ousmane SONKO et M. Thierno Alassane SALL sur l’affaire BBC.
Ce qui privilégie la politisation d’office de l’affaire sur une quelconque orientation intellectuelle et républicaine.
Sur un autre plan, la question qu’on est en droit de se poser est comment les deux décrets à la base de ce que l’on pourrait assimiler à un crime économique ont pu échapper à la procédure normale d’adoption des textes, laquelle permet de minimiser les risques potentiels pouvant résulter de la signature et de la parution d’un acte administratif de portée générale.
Les fonctionnaires, structures administratives et autorités administratives impliqués dans cette procédure normative ont-ils eu connaissance desdits textes ? Si oui, ont-ils formulé des observations, comme toujours.
Essayons de voir plus clair au sujet des décrets qui sont à la base de cette indignation collective.
1. Après l’expression d’une volonté de prise de décret, un draft appelé à ce stade « avant-projet » est initié par le ministère en charge du secteur concerné. L’avant-projet de décret ainsi rédigé est transmis au Secrétariat général du Gouvernement (SGG) où le projet de décret est diffusé à tous les administrations concernées, de l’Inspection générale d’Etat (IGE), de la Délégation à la Réforme de l’Etat (DREAT) et du Service du Contrôle Financier (CF), pour avis et observations. Les avis et observations recueillis sont transmis à un Comité technique présidé par le Secrétaire général du Gouvernement, comprenant, outre les ministères concernés, des représentants de l’IGE, de la DREAT, du CF, des Conseillers techniques de la Présidence de la République et de la Primature. Les observations retenues par le Comité technique sont intégrées.
A la date de signature des décrets 2012-596 et 2012-597, M. Seydou GUEYE, sans remplir les critères d’éligibilité, était le Secrétaire général du gouvernement. Pourtant, suivant l’article 2du décret n°2002-1152 du 03 décembre 2002 relatif à l’organisation des services du Premier Ministre, « … le Secrétariat général du Gouvernement est dirigé par un Secrétaire général, choisi parmi les fonctionnaires de la hiérarchie A… ».
2. La direction de la législation au sein du Secrétariat général du gouvernement, par lettre de transmissions, envoie l’avant-projet de décret aux ministères et directions concernées pour avis. Pour le cas échéant, l’IGE, le Ministère de l’énergie, le Ministère des Finances, la PETROSEN etc. auraient dû recevoir l’avant-projet et pourtant, aucun de ces services n’a reçu le document pour émettre ses observations hormis M. Aly Ngouille NDIAYE pour le simple fait qu’il devait rédiger le rapport de présentation. Pourquoi est-il donc le seul à l’avoir reçu et pourquoi y a-t-il inscrit du faux ? Comment Pétrotim peut bénéficier de décrets (17 janvier 2012) avant même sa création (19 janvier 2012)
D’autre part, les décrets dont l’objet implique des incidences financières sont visés par le Contrôle financier et la Direction du budget entre autres. Pour les décrets en question, aucun visa desdites entités n’y a été apposé.
3. Avant expiration du délai d’émission des avis fixé par la note de transmission, le Secrétariat général du gouvernement convoque son comité technique pour compiler les avis et observations reçus et finaliser la première mouture de l’avant-projet de décret.
4. Ensuite, le décret est renvoyé à la primature pour y être scruté par les conseils juridiques du Président de la République et du Premier Ministre, et porte désormais le nom de projet de décret. Ainsi, après accord du Premier ministre, le Secrétaire général du gouvernement fait inscrire le décret à l’ordre du jour en conseil des ministres avant sa signature par le Président de la République.
Le Président Macky SALL s’est-il passé de cette formalité ou les mensonges d’Aly Ngouille NDIAYE ont eu raison sur l’intelligence de tout groupe de ministres, Directeurs généraux, techniciens du droit etc.
5. Les actes créateurs de droit peuvent être rapportés au-delà de deux mois à partir de leur date de création et en l’espèce, les décrets pouvaient non seulement ne jamais être signés mais le Président aurait pu les rapporter après ce délai en cas de constat d’abus ou erreur. Qu’en est-il de la dénonciation de M. Abdoul MBAYE auprès du Président Macky SALL après la découverte de toute cette machination ?
N’oublions pas que nous sommes juste à deux mois et demi de la gouvernance déclarée sobre et vertueuse du Président Macky SALL, ancien Directeur général de PETROSEN et une enquête de l’Inspection Général d’Etat dont il est le seul commanditaire est en cours. Qu’est-ce qui justifie cette précipitation pour une question aussi importante que les ressources naturelles ? Pourquoi l’ t-il interrompue ?
Leur crime étant loin d’être parfait, l’implication directe du Président Macky SALL, sa mauvaise foi sont clairement établies dans ce dossier comme en atteste cette scène de crime qui porte les empreintes de bon nombre d’autorités directement impliquées, qui s’érigent en donneur de leçons et pourtant ont passé sous silence le rôle substantiel qu’elles auraient pu jouer pour leur compatriotes.
Pape Abdourakhmane Dabo
Vice Coordonnateur des Cadres Patriotes
Pastef