mardi 19 mars 2024
Le regard de Shamsdine

Ramadan Moubarak : Linceul d’or de la foi, Soleil de Sa Miséricorde et Lumière de la clémence d’Allah.

À l’horizon du calendrier musulman arrive la Lune pleine de vertus. Ainsi, le culte du pardon se traduit par la lapidation de la haine.

Moment de pénitence, de purification physiologique et psychologique, de purgation morale ; mais surtout, moment de cultiver l’amour, la solidarité, la miséricorde et le pardon du Seigneur et du prochain.

Sous ce rapport, écrit Jacques Derrida au sujet du pardon :  » Pour une fois, la logique et le bon sens s’accordent avec le paradoxe : le pardon pardonne seulement l’impardonnable ». Or, il est de coutume chez nous, à l’occasion des fêtes publiques et cérémonies religieuses ( korité, tabaski, tamkharite, maouloud, magal, noël, pâques, etc.) que les fidèles se prêtent mutuellement et affectueusement, telle une formule consacrée, cette belle et succulente expression – Pardon- symboliquement chargée de clémence et de miséricorde, par laquelle on parviendra à l’issue de toute épreuve existentielle à accéder, non seulement à une conscience supérieure en se purifiant le coeur de toute haine et de toute rancœur, mais aussi en se le remplissant de joie, d’amour et de gratitude afin de se faire accepter dans les bonnes grâces de la divine spiritualité. Donc, tel un bain purificateur, le passage du carême devra débarbouiller notre être de toutes sortes de vices et péchés dont l’âme tombe malade.

Dans cette dynamique, s’inscrit, semble-t-il, l’écrivain brésilien Pablo Coelho dans son ouvrage « L’ Alchimiste » en s’interrogeant ainsi: » dans une perspective spirituelle, la perfectibilité des métaux ne sert- elle pas d’analogie à la régénération de l’être ? Autant que l’or passe par le feu pour se transformer en bijoux, l’homme doit-il constamment se défaire des scories du moi pour tendre vers la réalisation d’une conscience supérieure ?  » Le ramadan, en tant qu’une période de pénitence pour les fidèles, en termes de privation de nourriture et de plaisirs sexuels pendant la journée, ainsi que tant d’autres interdits d’ordre moral auxquels est obligatoirement astreint le croyant pour la piété, la bénédiction et la miséricorde, en est parfaitement illustratif.





Cependant, notre culture du pardon doit se fonder, non pas sur des préjugés, plutôt que sur un principe spirituel et demeurera, à coup sûr, constante et inchangée, en ne variant point au gré des circonstances d’ordre conjoncturel, ou contingences d’ordre structurel.  »Pardonner, c’est oublier », disait Milan Kundera dans  »La plaisanterie », lorsqu’on sait que la haine est trop négative pour qu’un coeur s’en contente pendant longtemps. Et, c’est ce monstre hideux qui corrode l’âme et embrume l’esprit. Et la vengeance est une maladie autodestructrice qui ronge l’esprit et empoisonne l’âme.

De l’histoire de Joseph avec les fils d’Israël, ses demi-frères, à l’icône noire Nelson Mandela, en passant par les prophètes des trois religions révélées, Moïse, Jésus, Mohammed ainsi que nos grands érudits religieux, Cheikh Omar Foutiyou Tall, Sidy Hadji Malick Sy, Cheikh Ahmadou Bamba, Cheikh Ibrahima Niass, le pardon est toujours conçu comme l’acte par lequel un homme se surhumanise en se faisant octroyer une place dans les bonnes grâces de la vallée sacrée de Sa Miséricorde.

Alors revenu d’un si long exil au cours duquel il a accompli cette illustre oeuvre d’une incommensurable envergure qu’est le mouridisme dont jouit, de nos jours, toute la Oummah, Cheikhoul Khadim a pourtant pardonné à tous ceux qui lui faisaient du tort pour Dieu et pour le prophète de l’islam(PSL).C’est ainsi qu’Allah révéla au prophète : » C’ est par quelque miséricorde de la part d’Allah que tu (Muḥammad) as été si doux envers eux! Mais si tu étais rude, au cœur dur, ils se seraient enfuis de ton entourage. Pardonne-leur donc, et implore pour eux le pardon (d’Allah). »(Coran3/159)

De même, Mandela a pardonné à ceux qui l’avaient injustement emprisonné pendant plus de vingt-cinq ans , mettant ainsi, sur pied un comité ad hoc, baptisé Vérité et Réconciliation pour mieux consolider cette vertu cardinale relevant d’une haute spiritualité qui a d’ailleurs fait de lui une légende de la lutte pour la réhabilitation de la race noire. C’est pourquoi, Hegel considère le refus de pardonner se manifestant le plus souvent par la vengeance, comme  »un crime contre l’esprit ». Le pardon est donc un puissant neutralisant contre la haine et un solide gage de tolérance au service de la paix et la stabilité sociale. Je vous pardonne et vous demande PARDON !

Mansour Shamsdine Mbow, Professeur de Lettres, Chroniqueur.

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