mercredi 24 avril 2024
Contributions

Oui c’est bien le moment de parler de TER et de COVID-19 (Par Ismaila Goudiaby)

Mes amis l’ont sans doute remarqué, je ne suis plus tellement actif sur Facebook. Si bien que le Samedi 21 Mars dernier, quand j’ai aperçu sur mon téléphone la notification qu’un certain Abdou Beugbamba Niang a partagé “un souvenir”, c’est paresseusement que j’y ai cliqué pour découvrir un post que j’avais écrit le 21 Mars 2018. Naturellement le souvenir de la vidéo que j’avais partagée a l’époque m’est revenu, tout comme les quelques mots qui l’avaient accompagnée. J’avais titré “TER contre Hôpitaux”, et mon commentaire ne tenait qu’à ces quelques lignes, “Avec l’argent du TER, le Sénégal aurait pu s’offrir 25 hôpitaux comme celui-ci, semble-t-il de 4ieme catégorie, et le plus grand en Afrique de l’Ouest”.

Pour être si laconique à une époque où je me surprenais souvent à écrire plus que j’en avais l’intention, je devais avoir été dépité par les mauvais choix de notre gouvernement en regardant la vidéo en question. Cette vidéo que j’aurais aimé aujourd’hui faire voir à chaque sénégalais, en particulier à nos compatriotes de l’APR, magnifiait l’exemple de l’hôpital général de référence de Niamey que le président nigérien Issoufou Mahamadou venait d’inaugurer : 14 salles d’opération dont deux pour les urgences, un personnel de plus de 1000 personnes dont 23 chirurgiens, une capacité de 500 lits, le plus grand d’Afrique de l’Ouest, pour un coût de seulement 45 milliards de francs CFA.

A noter d’abord que j’ai partagé le post souvenir de Monsieur Niang presque instantanément, l’ayant trouvé à point nommé et utile en ces moments de doute et d’interrogation face à l’épidémie du Coronavirus. Je n’avais pas tout de suite remarqué la coïncidence de la date avec celle à laquelle j’avais partagé ces pensées pour la première fois il y à deux ans, jour pour jour. Qu’est-ce qui a bien pu inspirer ce monsieur ? Quel hasard a réussi à ramener ce post sous ses yeux, précisément en ce jour anniversaire, en pleine menace de crise sanitaire ? Il me le dira peut-être quand je partagerai avec lui cet article une fois publié.


Quoiqu’il en soit, le post semble avoir vraiment touché une corde sensible. Parce qu’alors que quand je l’avais partagé il y a deux ans, il n’avait suscité que dix huit réactions et seulement trois commentaires, il a aujourd’hui déjà été partagé des centaines de fois et recueilli plusieurs dizaines de commentaires. Cela est rafraichissant, encourageant, voire gratifiant, mais c’est surtout porteur d’espoir que cette pandémie amènera les sénégalais à prêter attention aux mauvais choix successivement opérés par ce régime incompétent qui dirige le Sénégal depuis plus de huit ans.

Le Coronavirus fera aussi prendre conscience aux sénégalais du danger de cette boulimie du régime du président Macky Sall pour les projets couteux qu’il justifie par leur caractère structurant qui n’est en réalité que chimérique. Ils comprendront que ces projets budgétivores au mieux, et au pire presque tous porteurs d’un lourd endettement au passif de nos enfants et grand-enfants, constituent des fautes et des dérives à endiguer au plus vite. Ils verront, en fin de compte, qu’il n’y a de rationnel dans ces mauvais choix du gouvernement que les gains répréhensibles que l’on peut imaginer derrière les surfacturations des réalisations (par comparaison avec des œuvres similaires dans d’autres pays d’Afrique), un manque d’empathie face aux besoins prioritaires du peuple, et une absence totale de vision pour le pays. 

Parmi les dizaines de commentaires mentionnés plus haut, un seul était contre la discussion introduite par le post sur la négligence des vraies priorités, en particulier celle des structures de santé, au profit d’infrastructures couteuses et sans prise sur les besoins cruciaux et immédiats des sénégalais. “C’est pas le moment car l’heure est grave, arrêtez et unissons nos forces”, disait ce post venant visiblement d’un militant ou supporter de l’APR. A quoi, après un examen rapide du profile de l’auteur, j’ai répondu en postant une capture de son dernier post sur Facebook, dithyrambique à souhait à l’égard du président Macky Sall. J’ai pris bien entendu soins de lui signifier que l’heure n’était à coup sûr pas à la glorification d’un personnage dont les performances durant cette crise se révèlent jusque-là aussi piètres qu’elles ne l’étaient auparavant.

Les sénégalais en arriveront peut-être à se remémorer et à méditer les mises en garde et déclarations faites en opposition au projet du TER, et de bien d’autres aussi inadéquats les uns que les autres. Avait-on vraiment besoin d’un train express régional (TER) entre Dakar et l’aéroport International Blaise Diagne (AIBD) ? Est-il réaliste dans la situation actuelle du Sénégal de réaliser un Bus Rapid Transit (BRT) à Dakar ? N’avons-nous pas d’autres priorités par rapport à nos besoins primaires en matière de santé, d’éducation, et de conditions essentielles sans lesquelles aucun développement ne peut être envisagé ? Au lieu d’un TER et d’un BRT, n’aurait-il été préférable par exemple de construire dans chaque capitale régionale un hôpital de référence du genre de celle de Niamey, et de relever le plateau technique des grands hôpitaux de Dakar ?

La réponse à cette dernière question est évidente si l’on ramène le coût de l’hôpital de référence de Niamey, 45 milliards de francs CFA, à celui du TER dont la projection de facture finale de plus de 1200 milliards de francs CFA n’est plus vraiment contestée par le gouvernement qui, quand il en parle, s’emploie davantage à l’expliquer et à la justifier. Une meilleure vision de la part de ce gouvernement aurait autorisé une approche plus réaliste et imaginative qui aurait permis d’implanter dans chacune des quatorze régions du Sénégal un hôpital de référence similaire à celui de Niamey (630 milliards de francs CFA au total pour les 14 régions), et de les doter d’un personnel qualifié qui ne demande aujourd’hui qu’à être recruté et placé dans de bonnes conditions pour servir son pays.

Tout laisse croire que la situation du Coronavirus va empirer au Sénégal. Et, admettons-le, ce sera par la faute d’inconscients et irresponsables parmi nous qui refusent de se conformer aux recommandations des spécialistes de la santé, mais aussi et surtout à cause de la frilosité des autorités gouvernementales qui se seront montrées incapables d’appliquer et de faire observer leur propres directives. Une autre réalité est que le Sénégal est loin d’être préparé à une propagation rapide et étendue du virus. Les sénégalais devront donc dans cette éventualité compter moins sur la capacité d’accueil et de prise en charge de nos structures hospitalières que sur une intervention providentielle, à mesure que les mentalités basculent vers une plus grande prise de conscience.

Nous devons nous montrer attentionnés et solidaires car c’est la clé du succès dans cette lutte contre le Coronavirus. Par la grâce de Dieu, nous vaincrons ce dangereux fléau et survivrons en tant que nation, mais nous ne devons pas céder à la complaisance. Nous devons mettre à profit ces moments de confinement pour réfléchir, méditer et échanger. C’est à la fois un besoin et une nécessité, et l’intérêt suscité par ce post et le foisonnement de commentaires depuis sa republication attestent du sentiment largement partagé que le régime de Macky Sall a, en huit ans de règne, manqué d’adresser les vrais priorités des  sénégalais, en particulier dans le secteur de la sante aujourd’hui en proie à tant d’angoisse.

Ismaila Goudiaby
PASTEF Ziguinchor


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Abdoul Burhan Dia
Abdoul Burhan Dia
4 années il y a

Tres bien vu! Article tellement pertinent qu’il devrait etre lu en Conseil des Ministres.

Je le disais aussi lors d’une autre conversation, le « consensus » national lie a la crise, ne signifie pas fermer les yeux ou se taire sur les errements du Gouvernement. Bien au contraire, c’est une opportunite pour le Chef de l’Etat de reprendre une certaine humilite et ecouter la clameur publique pour corriger et changer fondamentalement de cap.

L’itineraire vers 2035 qu’il avait choisi devra forcement connaitre un serieux ajustement.

Deja, et symboliquement, il doit poser des actes forts allant dans le sens de constituer un tresor de guerre. Cela passe deja par la suppression des institutions inutiles (ce n’est pas du populisme que de le dire).
La suppression des « salaires » des epouses d’ambassadeurs (une heresie).

La cessation immediate des paiements lies a la dette exterieure et justement l’epuration de la dette interieure due aux entreprises locales qui vont enormement souffrir.

Finalement, c’est le moment de reposer sur la table la question monetaire pour la trancher une bonne fois pour toute. C’est en ces moments de crise qu’une politique monetaire (auto-determinisme) trouve toute son importance. On s’en fout de l’inflation lorsque la cuisine qui tremble et la Sante de tous est aussi exposee (la nourriture est le premier element de la Sante).

Ma position reste inchangee et les faits le prouvent. Battons notre monnaie propre et soutenons une monnaie COMMUNE car une monnaie UNIQUE n’est pas viable dans notre zone, avec un Nigeria en opposition de cycle (seul exportateur net de Petrole). La ou la baisse des cours du baril donne une bouffee d’oxygene aux autres pays, la premiere puissance economique suffoque.

Bref, il faut suspendre tous les projects et devier toutes les ressources vers 3 secteurs: Agriculture, Sante Education!

Conora est quelque part une benediction car il aura prouve qu’il ne faut compter que sur soi…

En tout, voici un article brillant qui ouvre N perspectives.

Bravo!

I.G
I.G
4 années il y a
Répondre à  Abdoul Burhan Dia

Merci mon ami Abou pour ce commentaire de haute facture, en lui-meme article de plein droit. Tes analyses sur la question de la monnaie sont toujours claires et profondes.

0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x