Non, l’Etat ne doit pas nous abandonner !
Il n’y a rien de pire pour un immigré (expatrié) sénégalais que de mourir à l’étranger et d’y être enterré. L’État du Sénégal, par peur de contamination, interdit aux dépouilles de ses expatriés infectées par le Covid-19, d’enter et d’être enterrées dans leur pays d’origine. Je trouve cette mesure arbitraire et très discriminatoire. Les sépultures ne sont pas gratuites à l’étranger. Les pierres tombales, les cercueils et l’espace où la dépouille est enterrée valent très cher, le service funéraire n’en parlons même pas. Beaucoup de familles blanches sont obligées s de s’endetter pour enterrer dignement leurs morts, car il y a un protocole strict à respecter et un service à payer. L’espace dans les cimetières est mis en location et non vendu.
Et en cette période de pandémie, ça déborde de partout en Occident et en Amérique. Beaucoup de dépouilles sont incinérées faute d’espaces où les mettre. Les morgues sont pleines à craquer. Dans les hôpitaux, les agents sanitaires sont obligés d’utiliser des endroits de fortune réfrigerés où les corps sont entassés comme des sardines. Où est la dignité humaine?
L’État devrait revoir cette mesure car aucun expatrié ne voudrait reposer éternellement dans son pays d’accueil aussi accueillant soit-il. À la place de cette interdiction d’entrée des dépouilles de Sénégalais, l’État devrait plutôt mieux s’organiser en prenant toutes les précautions nécessaires avec les services d’hygiène qui attendront les dépouilles par dizaines à l’aéroport et les achemineront directement aux cimetières avec la présence restreinte de deux (2) ou trois (3) membres de la famille pour leur enterrement dans la sobriété mais surtout dans la dignité. Ces proches des disparus, présents lors de l’inhumation devront être immédiatement mis en quarantaine pour quatorze (14) jours après cela.
Quitte même à ce que L’État leur érige un cimetière dédié spécialement à eux pour éviter la contamination si c’est la dernière solution afin d’éviter la multiplication des enterrements dans des lieux différents et la non-efficacité des services d’hygiène qui en découle.
Beaucoup d’expatriés payent des assurances vie avec des clauses de rapatriement de corps en cas de décès dans leur pays d’origine. Et ceux-là vous en faites quoi? Ils ont les moyens de rapatrier leurs dépouilles pourtant, et pourquoi vous devriez le leur refuser? Ils sont des Sénégalais à part entière.
L’État doit faire très attention aux décisions qu’il prend concernant les immigrés car le climat est déjà tendu avec nos compatriotes qui sont au pays et subissant injustement le calvaire de la délation et de la stigmatisation non avenues. S’il faille encore les abandonner dans ces pays où ils étaient justement allés pour gagner leur pain parce qu’ils sont morts de Covid-19, ce serait encore plus grave. Vous dites que ce n’est pas une maladie de la honte et vous traitez les morts de ce virus comme des pestiférés, il y’a quelque chose qui ne marche pas dans votre affaire.
L’État sénégalais doit rapatrier ces corps peu importe la gravité de la situation et à ses frais pour pouvoir prendre toutes les précautions idoines, surtout que la majeure partie des décès sont répertoriée précisément aux USA, en France et en Italie, donc plus simple à appréhender.
Les gens choisissent d’aller vivre à l’étranger pour travailler à la sueur de leur front pas par bonté de cœur mais par manque d’opportunités chez nous.
L’État doit prendre en charge nos préoccupations, nos peurs et nous couver de sa protection car tout le fruit de notre labeur revient au Sénégal pour nourrir nos familles, mais aussi en investissement dans des projets pour faire travailler nos frères et sœurs. NON l’État ne doit pas nous abandonner surtout en de pareils moments où nous vivons dans une angoisse et une peur indescriptible.
Tout expatrié mérite, enfin, de reposer chez lui à son décès et d’avoir une sépulture digne où ses parents et enfants pourront s’y recueillir et prier pour le repos de son âme.
Je suis expatriée et si je meurs, mon souhait est d’être enterrée dans un cimetière musulman auprès des miens et c’est un droit que j’ai en tant que Sénégalaise.
L’éternelle optimiste
Thioro Mbengue, citoyenne sénégalaise vivant au Canada