vendredi 26 avril 2024
Contributions

L’injure à fleur de peau : une boite de Pandore.

La violence verbale, ça commence par des mots, ça finit par des crachats, des coups, du sang dit-on. C’est également un truisme de dire que dans l’économie générale de la violence, très souvent l’injure ou l’invective précède et/ou supplante l’agression physique.

La licence verbale outrancière et outrageante dont certains individus, recroquevillés derrière leurs claviers d’ordinateur ou tapis devant leurs écrans de téléphone semblent se faire les porte-paroles, risque, si l’on n’y prend garde de saborder l’unité nationale. Il est vrai que les réseaux sociaux restent des modes de communication susceptibles de favoriser la désinhibition et les comportements agressifs mais ne sauraient nullement justifier une quelconque déperdition morale qui plongerait les valeurs cardinales (vivre-ensemble, politesse, courtoisie, respect d’autrui) de la société sénégalaise dans un bain d’acide.

Quelle tonalité accorder à ces mots, sources de maux tenus par une chanteuse qui s’en prend arbitrairement à la première institution de la nation en l’occurrence le président de la République ? Quid de l’offense au chef de l’Etat ?  

Quel alibi pourrait nous jeter impunément à la face cette internaute qui, toute honte bue, s’en prend à une frange de la société à travers un discours digne de figurer dans un traité de jurologie ? 

N’en déplaisent à ceux qui ont l’injure à fleur de peau, cet ostracisme doublé d’une incitation à la haine ne s’accommode guère du vivre-ensemble qui a été et qui restera l’un des maillons forts du Sénégal.

Que ces hérauts de la violence se le tiennent pour dit. Leur rupture délibérée du « contrat linguistique » ne prospérera pas au point d’engendrer une rupture du contrat social sénégalais.

Qu’ils se tiennent pour dit. « Parler, c’est non seulement exposer des idées, mais c’est aussi s’exposer à une évaluation sociale » (Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire, 1982). Par conséquent, le discours n’est pas seulement une suite de signes, d’informations déchiffrables mais aussi une suite de signes destinés à être évalués (de par le vocabulaire de l’individu, on se donnera une idée de sa position sociale)…

Qu’ils se le tiennent pour dit. Parler est une activité sociale régie par « les contraintes rituelles de la communication, normes qui contribuent non pas à la transmission d’un message, mais à la qualification d’un locuteur comme individu socialement digne d’être entendu » (Erving Goffman, Façons de parler, 1987). 

Face à cette licence infamante qui déblatère dans les réseaux sociaux et pour expurger cette « banalité du mal » susceptible d’amonceler les germes d’une poudrière identitaire, à chaque Sénégalais d’être une vigie de la société en réprouvant de telles « façons de parler ».

L’éveil des consciences passe par une prévention plus proactive que réactive et réprimer cette levée des inhibitions est de loin préférable à un « plus jamais ça ».

Souleymane Mané professeur d’histoire et de géographie au Lycée Aline Sitoé Diatta d’Oussouye.


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