vendredi 19 avril 2024
Contributions

Ethique et politique dans les pensées de Cheikh Anta Diop, Mamadou Dia, Sankara et Ousmane Sonko

L’être humain comme le disait Nietzsche étant « par-delà le bien et le mal », il est selon les croyances moralistes à une station dualiste de choix. En toute chose, il a le choix du bien ou du mal.
En politique, l’usage de l’éthique comme « réflexion fondamentale sur laquelle, en principe, la morale de tout peuple pourrait établir ses normes, ses limites et ses devoirs », ou dans un sens ordinaire signifiant « morale », a toujours fait pour beaucoup objet d’incompatibilité avec ce milieu.
Si le mal est considéré pour certains comme « un instrument nécessaire en politique », le bien l’est autant ou exclusivement pour d’’autres.
Le système tant décrié par certains leaders d’une nouvelle donne politique, n’est rien d’autre qu’un ensemble de rouages établis dans le champ politique afin d’accéder au pouvoir (timocratie) et d’en bénéficier de ses largesses (oligarchie). Et cela avec cette pensée : « la fin justifie les moyens » ; une attitude souvent digne d’un immoralisme, car le mal comme instrument peut être usé à cette fin. Le mensonge, la manipulation, la corruption, le détournement de deniers publics ou même le meurtre, deviennent ainsi les socles de ces stratégies politiques.
C’est face à ces actes immoraux qu’il faudra analyser, le discours de tous les leaders anti-système que l’Afrique a connus. Ils sont à l’encontre des contre-valeurs républicaines et morales.
C’est pourquoi, à travers les pensées de Cheikh Anta Diop, deThomas Sankara, de Mamadou Dia, et de Ousmane Sonko, cette moralité en politique, reste la constante ; elle est présente également dans leurs discours respectifs quoique de contextes et réalités politiques différents.
Mamadou DIA, dans sa fameuse missive de réplique à la demande de son tortionnaire (Senghor) de renoncer à la politique, rappelle en ces termes, la trace indélébile de l’éthique durant de toute son action politique :
« J’aurais pu dire un oui tactique ou un oui de contrainte, puis, au moment d’une éventuelle libération, prendre des positions différentes, considérer l’engagement comme de nul effet. Et seul un tribunal d’honneur pourrait me condamner. Mais ceci, je ne le veux pour rien au monde. Ce serait indigne de ma part, contraire à toutes les traditions africaines de Parole dont je me sens imprégné jusqu’au plus intime de moi-même. Si en Europe l’on observe et l’on justifie, au nom d’une certaine conception de la politique, des virevoltes ou des habiletés auxquelles les casuistes viennent construire des fondements intellectuels, en fonction des besoins, je n’ai, pour ma part, qu’une parole et qu’un langage. »
Ici, Dia, par honneur, dignité et volonté manifeste, se refuse, de dire des contre-vérités ne serait ce même par pure stratégie politique sous-tendue par une contrainte réelle (sa longue détention arbitraire et injuste). Cet exemple est d’autant plus important qu’il montre en DIA Mamadou une éthique tellement sérieuse en lui qu’elle se sente dans sa simple « parole ». Alors que dire de sa relation avec le pouvoir, le bien public et la justice ? D’autres exemples tirés de son récit de vie ne diront pas le contraire.
C’est dans ce même sillage que s’était lancé le « pharaon noir », Cheikh Anta DIOP, dans son discours lors d’un meeting avec ses militants de Darou Salam, en ces propos traduits du wolof :
« Ne pensez pas que ce parti est un parti pour voter juste une journée, et le lendemain les électeurs sont oubliés ; ou bien si on les rencontre, on se met à les fuir et ou se cacher d’eux. Ce n’est pas la vocation de ce parti. C’est un parti qui veut éveiller le Sénégal, et aller avec le peuple pour développer le Sénégal sur une bonne voie. ……tout ce qu’on doit construire, on va l’écrire et vous le montrer d’une manière très claire et audible. Car si l’homme n’est pas manipulateur tout ce qu’il doit dire il peut le dire d’une manière très claire…… ».
Là, Cheikh Anta instaure un langage de vérité à tenir aux électeurs même dans ce fameux processus de « charme » et de collecte de voix. La politique selon lui commence par la vérité et se ramène à cette vérité. Pour étayer ses propos il va jusqu’à citer les écarts de langage créés sciemment dans la conscience collective par les détenteurs du pouvoir de l’époque à travers l’usage d’une langue incomprise(le français) par la majorité de la masse.
Alors à ceux qui pensent que la politique est un jeu de dupe, il donne ainsi une leçon historique d’éthique en politique.
Au pays des hommes intègres, Thomas Sankara lors d’une rencontre avec la population, harangue la foule en citant les maux freinant le développement de son pays :
« – Sankara : Camarades ! L’impérialisme
– La foule : En bas
– Sankara : Le colonialisme
– La foule : En bas
– Sankara : Le néocolonialisme
– La foule : En bas
– Sankara : Les voleurs
– La foule : En bas
– Sankara : Les paresseux
– La foule : En bas
– Sankara : Les détourneurs (de deniers publics)
– La foule : En bas
– Sankara : Les magouilleurs
– La foule : En bas……. »

Dans ce jeu d’échanges de mots, toute la politique révolutionnaire de Thomas, se résume entre autres en lutte contre, le vol et le détournement de deniers publics, la paresse de certains leaders, les magouilles….etc… . Plus encore il a été très efficace dans la mise en œuvre de cette vision de la politique basée sur l’éthique.
Plus de trois décennies après Sankara, le même discours est tenu par un leader d’un autre pays et d’une autre réalité : Ousmane Sonko.
Il cite dans son « livre-vision », l’éthique parmi ses trois exigences politiques.
Après un diagnostic de notre relation avec nos valeurs sociétales en ces mots : « Ethique : Aucune société n’a autant théorisé les valeurs éthiques fortes de droiture (njub), de dignité (jom), de fierté (fullë), d’honnêteté (dëggu), de loyauté (kollëré)…. ; aucune société, pourtant, ne les foule aussi allègrement au pied que la nôtre…… »
Il propose ensuite une prise de conscience : « Il faut faire renaitre en chacun la conscience de la nécessaire conciliation de l’intérêt individuel avec l’intérêt général et le sentiment de l’obligation de renonciation au premier lorsqu’il contredit le second. C’est le sens de la vision qui structure notre offre politique autour du triptyque………….. » .
Tous ces quatre leaders, figures emblématiques du patriotisme et du panafricanisme, ont en commun au-delà de l’éthique, le fait qu’ils n’ont jamais bénéficié injustement des largesses du pouvoir public dans leurs exercices respectifs de près ou de loin.
Le constat est la constance de l’éthique dans les discours patriotiques des leaders désintéressés. Et une autre constante est relevée, qui est le fait que ces leaders ont été freinés par le système immoral, dans leurs tentatives de réforme, et ce jusqu’à présent sous forme d’actions plus souples mais avec les mêmes outils machiavéliques.
Si l’éthique est vérité, et que celle-ci est l’alpha et l’oméga, et qu’elle sera toujours au-dessus, alors quelles stratégies pour que l’éthique en politique guide nos pays vers le développement dans ce monde l’illusion, de mensonges, de manipulations et plein d’injustices ?

Papa FALL
Responsable du Pôle Statistique & IT
Secrétariat National aux Opérations Electorales/PASTEF

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