dimanche 1 décembre 2024
Contributions

Émigration: qu’est-ce qui choque au juste? (Pape Diop)

Qu’ils sont clandestins parce-qu’ils n’ont pas les moyens de l’avion?

Qu’ils laissent des familles désemparées parce-qu’ils n’ont pas choisi la contemplation des parents très enthousiastes à convoyer leurs enfants étudier à l’étranger?

Qu’ils partent en pirogue, à la quête d’intégration socio-économique supposée plus aboutie, parce-qu’ils n’ont pas l’opportunité ou choisi les airs, à l’instar de la pléthore envieuse des universités étrangères qui est extraordinairement euphorique dès l’obtention même d’un visa et qui ne tarde surtout pas à activer un titre long séjour à l’arrivée pour suspendre son retour incertain à « ALA XAM »?

Qu’ils occultent (ou qu’on leur oppose) des opportunités que les frais mobilisés pour leur départ en pirogue pouvaient offrir pendant qu’une frange plus importante ignore fièrement ces possibilités de création d’entreprises même, en investissant beaucoup plus dans le processus d’admission, d’inscription et d’études dans une université étrangère?

Mais vraiment…
Qu’est-ce qui nous fait si mal au juste ? La mort tragique au bord d’une pirogue ou un mieux espéré à l’autre bout du monde, laissant en rade ses origines ?
Pour une question de vie ou de mort, c’est une pratique suicidaire. Mais dans le second cas, ils attendent tous un retour sur investissement. Et, ceux qui prennent la pirogue, comme ceux qui optent pour l’avion, devront apprendre à rester chez eux, subir s’il le faut, construire pour s’élever.

Oui, Angleterre n’est pas pomme de terre.
Mais, nous ne réglerons notre problème que par la reconsidération mentale de notre rapport à l’étranger, ce rapport à l’effet domino.
Effectivement, on ne fuit pas son environnement pour construire d’autres horizons. Les frais de pirogue et dépenses d’études à l’étranger peuvent bel et bien servir de capital d’investissement financier et humain pour toute personne qui veut participer à l’édification d’une société en projet à laquelle elle aspire.

La problématique de l’émigration dite clandestine nous laisse perplexe par le simple fait que des voix s’élèvent lorsqu’il y a péril ou réquisitions en mer. Parfois même pour éviter d’être traité de n’en avoir pas parlé, au moment où une forme d’émigration « régulière » semble être bien entretenue.
Le Sénégal compte plus d’écoles pour la formation de sa jeunesse que d’emplois à lui offrir et est prêt à crier à l’émigration pour motif économique en même temps prompt à expédier ses apprenants vers l’étranger pour un motif pédagogique. Alors que ce sont les rails d’une économie incitative qui favorisent un système éducatif attrayant, compétitif et prometteur, tout revient aux conditions et cadre de vie.
Et bien, si le seul tort qu’on leur impute est la voie risquée des pirogues, c’est qu’on est pour le départ massif à l’étranger. Car, tout le reste (laisser une famille, mobiliser des fonds et espérer un mieux ailleurs), ils le font au même titre que tous les émigrés de toute nature.

La démarche de la pirogue est individuelle (signe de l’échec des pouvoirs publics sur la question de l’emploi des jeunes), mais celle de l’avion est accompagnée, de bout en bout, par l’État du Sénégal qui distribue ses jeunes, formés aux frais du contribuable à la base, à la commande étrangère. Et il appelle ça « politique de coopération éducative » qui choque, apparemment, moins que les pirogues.
Comment voulez-vous partir et voir, de loin, mieux que ce que vous laissez derrière vous et qui vous a pressé de fuir.

C’est très simple, vous ne pouvez pas combattre par procuration. Se battre en présentiel est dissuasif contre les situations disharmoniques que vous fustigez quoi que puisse proposer l’étranger. Le Sénégal ne sera que ce que vous en ferez.

Forte conviction.

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