mercredi 24 avril 2024
Contributions

De l’injure! (Par Amadou Sow)

L’ injure est un fait connu de manière relativement différente de toutes les sociétés.
Dans bon nombre de sociétés traditionnelles sénégalaises, existent des catégories socioprofessionnelles réputées par leur propension à verser dans l’injure.
L’injure est également autorisée ou tolérée dans certaines circonstances (comme le mariage) et à des personnes jugées anormales (atteintes de folie) ou n’étant pas encore sorties de la tendre enfance.
Toutefois, cette forme d’injure est toujours codifiée et restreinte à un cadre précis.
Autrement dit, dans ce cas d’espèce, ce type de langage ne peut être en réalité qualifié d’injure, dans la mesure où il est destiné à un auditoire qui ne le perçoit pas comme une grossièreté.
Les individus concernés n’ont aucunement le droit d’adopter le même comportement en dehors des canaux codifiés par la société concernée.
Ainsi, tout langage grossier hors cadre est passible d’une peine.
La plus classique des peines (tacite) est que l’insulteur n’accède jamais à un certain niveau de responsabilité.
On ne lui confie jamais certains postes dans la société.
Un insulteur, un impoli, ne sera jamais nommé président d’une assemblée de village, désigné comme porte-parole d’une délégation et, avec l’avènement de l’Islam, choisi pour diriger une prière qui regroupe ne serait-ce que trois personnes.
Aujourd’hui, malgré la modérnisation (qui n’est pas synonyme de dépravation) et la démocratisation, c’est ce que la société, en tout cas celle sénégalaise dans son ensemble, semble vouloir perpétuer, même s’il y a une tendance à remettre en cause cette tradition.
Nous pouvons soutenir sans exagération que l’État sénégalais est en grande partie responsable de la dégradation du discours public, en faisant la promotion des insulteurs de renommée internationale, par le biais de nomination à des postes importants.
Si aujourd’hui l’injure publique semble être de plus en plus inscrite comme un des moyens les plus rapides pour accéder à la renommée, boxer dans la cour des grands, faire partie des intouchables, cette façon de procéder au niveau étatique et dans les appareils politiques y est pour quelque chose.
On en est arrivé à un point où ceux qui n’insultent pas, qui ne sont pas vulgaires, ont de sérieux doutes.
Certains même, les plus faibles, sont en train de subir la mode et de suivre la tendance.
Quand on en arrivera à un stade où les conseils de discipline n’auront plus de quoi statuer (ou leurs délibérations foulées au pied) parce que l’indiscipline sera systématiquement banalisée dans notre système éducatif, il y aura de quoi changer les contenus de nos programmes scolaires.
Amadou Sow
FASTEF
UCAD

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