BAC au rabais ou l’univers dans une cité? (Par Pape Diop)
Au conseil des ministres du mercredi 5 août 2020, « Le Président de la République a, par ailleurs, insisté sur la reprise, dans les meilleures conditions sanitaires, des enseignements en présentiel dans les universités et établissements d’enseignement supérieur, à compter du 1er septembre 2020. Il a également souligné la nécessité d’assurer l’orientation de tous les bacheliers, y compris ceux restants au titre de l’année 2019 et ceux attendus pour la session de 2020 ».
Un système éducatif fourre-tout, en manque d’infrastructures, de personnels enseignants, administratifs, techniques et de service, au chevet d’inputs qui ne répondent vraisemblablement à aucun critère d’entrée ne peut que livrer des outputs encore à rafiner.
Les compétences nécessaires à l’exercice d’une profession requièrent un parcours calé pour se tailler le profil indiqué.
Recevoir au Palais présidentiel, le vendredi 7 août 2020, la dite meilleure élève du Sénégal en 2018 et en 2019, selon le seul critère du concours général sénégalais (de quoi être perplexe), qui poursuit avec « fierté » ses études en France, est un aveu d’impuissance de notre système éducatif à capter (retenir) les énergies qu’il produit à la base, surtout aux frais du contribuable sénégalais. Le lycée scientifique d’excellence de Diourbel d’où provient cette fille est créé, sous Macky Sall avec Sérigne Mbaye Thiaw comme ministre de l’Éducation nationale, dans le même ordre d’idées que la Maison d’Éducation Mariama Ba de Gorée et le Prytanée militaire de Saint-Louis. Nous payons les études des pensionnaires de ces écoles, en régime internat, à la sueur de notre front.
Dans des conditions où être le meilleur élève du Sénégal est symétrique à être le roi des arènes, nous ne pouvons que nous réjouir du symbolisme à consacrer ce titre.
En effet, il s’agit d’un facteur d’émulation et d’une poussée à la persévérance dans les efforts que le Président de la République entretient à travers l’éducation par l’exemple. Sauf qu’il devait être le premier à promouvoir le label « Étudier au Sénégal » pour avoir fait ses humanités, de fond en comble, au pays de la Téranga dont il est aujourd’hui Chef de l’État.
Mais, l’attractivité et la compétitivité de nos industries du savoir, à un certain niveau, retrouvent nos gouvernants au banc des accusés. Nous savons toutes et tous, autant que l’État du Sénégal, qu’une fois dans une certaine zone de confort, leur retour est incertain. De ce fait, il convient de vraiment revoir cette politique à enfumer de près et encenser de loin. C’est comme si nous mobilisons pour l’étranger, notamment pour l’Europe engagée dans l’économie de la connaissance depuis fort longtemps, des profils d’entrée à la trempe de ses ambitions de compétitivité économique par le savoir alors qu’il devrait être érigé en droit citoyen, pour nous, d’être les premiers à en tirer profit pour avoir investi notre argent à la propulsion de ces remarquables talents.
Par ailleurs, l »irresponsabilité de l’État du Sénégal, dans la gestion de ses nouveaux bacheliers, a fini de prouver que des conditions d’admission dans l’enseignement supérieur ne sont plus nécessaires. Car, à la place de l’orientation des nouveaux bacheliers, on assiste à une affectation, comme s’ils s’agissaient de fonctionnaires prêts à rejoindre des postes pourvus.
Sans compétition, c’est sans mérite.
Sans mérite, c’est sans promotion.
Sans promotion, c’est sans motivation.
Et sans motivation, c’est sans enjeux.
D’où un semblant de projet pour nos bacheliers que les gouvernants gèrent comme passe-partout.
Quand la préoccupation est de caser, on travaille plus à éteindre les dissonances qu’à promouvoir de jeunes talents en toute transversalité.
Il faut impérativement créer des BAC professionnels, à la pointe des STEM et du numérique que nos jeunes apprenants ont fini d’épouser, avec toute la préparation qui sied.
Le Sénégal présente près de 82% de candidats littéraires au BAC 2020. De quoi réfléchir, par rapport à la percée voulue des STEM (conseil présidentiel sur l’enseignement supérieur et la recherche, août 2013).
Tout le monde a-t-il sa place dans l’enseignement supérieur ?
Papa DIOP,
Professeur d’Informatique certifié
Formateur APC d’enseignants