dimanche 13 octobre 2024
Contributions

Babylone – Système: Dessins croisés de deux combattants (Par Malé Fofana)

Lors de sa dernière conférence de presse, on pouvait s’attendre  à voir l’homme sortir avec une diatribe colérique. Mais il est apparu par une autre porte. Il semble danser, si seulement il danse, à son propre rythme. Comme prenant la stature et la mesure de l’homme d’état qui mature. Mais peut-il vraiment encore hausser la voix plus qu’il ne l’a fait dans le passé? Comme Serigne Cheikh, il semble dire: «  » je vous ai dit tout ce que je savais, de toutes les manières que je pouvais. Il ne vous reste plus qu’à agir ». C’est à vous de me rendre la pareille, et me livrer l’appareil dont j’ai besoin, pour compléter ma vision pour cette nation ».

Je me sens, parfois, inutile. Devant certaines situations. Je ne peux, comme un financier, un économiste ou un juriste, jongler avec les chiffres, avancer des projections statistiques ou poser triangulations mathématiques. Je ne suis qu’un spécialiste en sciences du langage et de l’argumentation, peintre à ses heures perdues, féru de philosophie spirituelle.

Mais ce qui me rassure est la conviction que nous ne nous développerons que quand chacun fera, et se limitera à ce qu’il maitrise. Et les moutons seront bien gardés….

Je suis aussi rassuré par les mots de Cheikh Ahmadou Bamba qui nous prévient. Ne vous focalisez pas à  forger le pays au point d’oublier la moralité de celui qui y habite. Car, alors, immanquablement, celui-ci qui y habite détruira ce qui y est construit. Je me dévoue donc à la conscience et je laisse aux autres la science, dure. Je me destine à me forger, personnellement, et peut être, dans ce processus, interpeler d’autres, à travers le langage, l’argumentation et la communication.

En observant les aberrations de notre société, je ressens un sentiment bouillonner tout au fond de moi, comme dans notre plus tendre jeunesse. Et ceci me ramène à nos inspirations d’antan, à nos aspirations d’enfants.

Et je note un parallélisme  entre Robert Nesta Marley et Ousmane Sonko.

Marley, au plus haut de sa notoriété, nourrissait quotidiennement plus de mille personnes, dans son entourage. Il a hypothéqué sa vie pour son pays. Il pensait avoir donné à son peuple, ce que l’argent ne peut acheter. Et pourtant. Quand il fut trop gênant, quelques jamaïcains vendirent leur âme, prirent les armes et essayèrent de le liquider physiquement. La plus grande déception de sa vie… Un fait qu’il n’est jamais arrivé à comprendre, dans toute la candeur de son engagement.

A bien y regarder, malgré son impact mondial, Marley avait un côté utopique. Celui-là que Cheikh Anta Diop a voulu éviter en formant un parti politique, pour ancrer ses idéaux. Si cette affaire s’avère « formellent » être un complot, l’histoire se répéterait. Malheureusement.

L’autre point commun entre ces deux activistes est « le don de soi » qui est, curieusement, la devise du parti Pastef.  Ces deux hommes se battaient tous contre un principe. Depuis celui de Babylon (Babylone System is a Vampire). Marley a consumé sa vie, ou plutôt a laissé sa vie se consumer. Il a littéralement mené une course contre la montre. Il aurait pu, au grand dam de ses producteurs, arrêter ses tournées et soigner son cancer. Il a préféré faire bénéficier au monde de ce qu’il avait, pendant qu’il le pouvait, sans calcul. Jusqu’à ce que son cancer se généralise. « Jusqu’à ce que mort s’en suive » : La loi d’honneur des duellistes. Alexandre Dumas nous l’apprend.

De la même manière, comme Marley, il apparait que Ousmane Sonko  ait tendance à s’oublier et à négliger sa condition. A ceux qui disent qu’il aurait pu se servir des caisses de son parti. Il semble répondre qu’il  n’a pas la culture de la caisse noire. Il est à supposer qu’après cette affaire, un budget, à cet effet, lui sera dévolu (la fameuse « budgétisation »). Cet épisode-ci expose sa vie privée et son corps comme le fut, autrefois, Diego Armando Maradona quand il dut  choisir la mère-patrie-Argentine face à sa terre d’adoption, l’Italie, lors de la Coupe du monde de 1990, en exécutant ce fameux tir au but.  L’intimité de Ousmane Sonko sera sans doute plus dévoilée encore lors du procès, si procès. Mais avec ceci, d’autres faits louables de sa vie  dissimulés avec minutie, pourraient être exhumés. À son corps défendant.

Jusqu’à preuve du contraire, pour moi, il est innocent. Ceci est aussi le principe de la loi. Mais présentement, avec le  mouvement « Moi aussi », en cas d’accusation de viol, un tel principe semble inversé.

On pourrait reprocher à Ousmane Sonko d’avoir été vindicatif et colérique dans le passé, tout comme on peut lui reprocher, lors de sa dernière sortie, d’avoir été moins tranchant. J’estime que c’est un ton plutôt adéquat, car il se livrait au peuple par rapport à son intimité. Et il avait le choix entre deux extrêmes. Le ton qu’il a adopté pourrait avoir pour effet de  rallier les indécis sur sa personne, sur  ses motivations, et ses choix personnels. Car aujourd’hui, il semble avoir besoin de plus que son parti pour l’aider à tenir tête. Il semble avoir  besoin de bien toucher les cœurs, de mettre les gens debout d’abord, avant de pouvoir leur faire entamer la « longue marche » que son combat peut requérir. Il a besoin de laisser une empreinte bien profonde afin qu’elle soit plus indélébile que l’encre de nos bureaux de vote (Oups!).

Mais peut-il vraiment encore hausser la voix plus qu’il ne l’a fait dans le passé? Comme Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy, il semble dire: «  » je vous ai déjà dit tout ce que je savais, de toutes les manières que je pouvais. Il ne vous reste plus qu’à agir ». À vous de me rendre la pareille, de me livrer l’appareil dont j’ai besoin, pour compléter ma vision. Pour cette nation ».

 

Malé Fofana PhD

AuteurConseiller linguistique et communication

ComUnicLang-Bataaxel

https://www.comuniclang.com/

Sherbrooke, Québec, Canada

 

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